Le procès de Paul Moussa Diawara, ancien directeur général de l’office guinéen de publicité (OGP) et Sékou Camara, ancien directeur général de l’Office Guinéen des Chargeurs (OGC), se poursuit au TPI de Kaloum.
Poursuivis pour détournement de fonds publics avec la complicité de deux autres cadres, ces anciens responsables de régies financières de l’Etat devront bientôt être fixés sur leur sort. Mais pour l’instant, les débats sur la forme ne vont que s’étendre dans cette affaire.
Après avoir tranché le mercredi 11 juillet sur le grief de la défense relatif au paiement de la caution par l’agent judiciaire de l’Etat, le tribunal se retrouve encore sur une autre difficulté d’ordre juridique.
Si le juge Mohamed Chérif Sow a statué en faveur de la partie civile et du ministère public, pour dispenser l’Etat de tout paiement de frais de procédures (caution) devant les juridictions nationales en vertu du décret 083 du 05 mai 1997, il devra aussi examiner l’exception d’incompétence du tribunal correctionnel soulevée par la défense avant tout débat au fond.
Sur ce, les avocats de la défense brandissent l’argument selon lequel l’OGP est une société anonyme (SA) dont le mode de fonctionnement relève des règles de l’Acte uniforme de l’OHADA.
Pour Me Salifou Béavogui, « l’inspection d’État qui a fait les enquêtes n’a aucune valeur juridique pour engager des poursuites ».
« C’est le commissaire au compte qui doit faire le rapport de gestion. Et lorsqu’il relève des irrégularités, il alerte ou il en réfère au procureur de la République. En réalité, les dysfonctionnements doivent être relevés par les commissaires aux comptes. Il n’appartient donc pas à un inspecteur d’Etat de venir inspecter le fonctionnement d’une société anonyme. C’est là où la procédure a été faussée dès le départ », a-t-il démontré.
Dès lors, il explique que l’inspection d’Etat a manqué à ses devoirs en s’interférant dans le fonctionnement de l’OGP qualifiée de société anonyme : « Les poursuites ont été déclenchées sur la base du rapport de l’Inspection d’Etat. Pourtant, il n’appartient pas à l’inspection d’Etat de se mêler dans le fonctionnement d’une société anonyme. En principe, c’est l’Acte uniforme qui doit être appliqué. Soit l’action unique assigne devant le tribunal en paiement ou alors le commissaire au compte dénonce le comportement et tout de suite la procédure est déclenchée ».
Mais d’après le ministère public représenté par le procureur Fallou Doumbouya, l’inspection d’État peut bien s’intéresser sur ce qui se passe dans les institutions à caractère administratif au regard de la loi.
Pour appuyer la position de son confrère de la défense, maître Mohamed Traoré dira au président du tribunal : « Vous écarterez les rapports d’inspection d’État et de Kalil Magassouba, expert-comptable. Ainsi, je vous prie de constater votre incompétence dans ce dossier puisque c’est un travail qui aurait dû être fait par un commissaire aux comptes ».
De son côté, la partie civile évoque ce qu’elle qualifie de ‘‘diversion ‘’. « La défense s’accroche à des rapports et non aux critères de compétence, tels que définis par les 443 et 444 du code de procédure pénale. Les rapports sont des éléments du dossier mais ne saisissent pas le tribunal. C’est de la pure diversion », a laissé entendre maître Sylla, un des avocats de la partie civile.
« Je voudrais dire que ces exceptions ne sont que de pures moyens dilatoires. Les faits qui sont poursuivis sont bel et bien des faits de malversations financières portant sur des taxes et redevances qui ont été recouvrées et qui sont destinées au Trésor public, mais qui n’ont pas été reversées dans les caisses de l’Etat, qui ont été détournés par les prévenus poursuivis dans cette affaire. C’est cela le fond dans cette affaire. Puisse que la défense ne voudrait pas que cette procédure soit examinée au fond, elle est venue faire état des exceptions ».
A en croire son raisonnement, la défense se fourvoie avec ses demandes d’exception d’incompétence du tribunal, d’irrecevabilité de la constitution de partie civile et de disjonction de procédure.
« Les faits qui sont poursuivis dans cette affaire sont constitutifs de délit parce qu’il s’agit de détournement de deniers publics. Par rapport à cette question, la défense n’a rien dit sinon que c’est fondé sur un rapport. On ne peut pas démontrer une incompétence, une exception d’incompétence sur la base d’un rapport. La défense devrait prouver que l’infraction qui est poursuivie n’est pas un délit, que c’est un crime ou alors qu’il s’agirait d’une affaire civile, mais aucune démonstration n’a été faite en ce qui concerne la question de compétence matérielle qui est fixée à l’article 443 du code de procédure pénale guinéen. A cette phase de la procédure on ne peut parler de rapport parce que ce rapport est un élément de preuve », a précisé Lancinet Sylla de la partie civile.
Contre toute attente, l’affaire a été renvoyée au 18 juillet prochain.
A rappeler que Paul Moussa Diawara est accusé d’avoir détourné 39 milliards 679 millions 25 mille 698 francs guinéens et Sékou Camara 25 milliards 491 millions de francs guinéens.
A suivre !
Thierno Amadou Oury BALDE