Le Tribunal de Première Instance de Kaloum a poursuivi son audience dans l’affaire dite détournement présumé de fonds à l’OGP.
Accusé d’avoir détourné la somme de 39 milliards 679 millions 25 mille 698 francs guinéens au préjudice de l’office guinéen de publicité (OGP) , Paul Moussa Diawara et Inza Bayo, respectivement anciens Directeur Général et Comptable du service public risquent de lourdes peines.
A l’audience du lundi 04 Mars dernier, la juridiction a franchi l’étape décisive du procès, c’est-à-dire celle des réquisitions et plaidoiries des parties dans le dossier.
La partie civile qui a plaidé coupable demande la saisie des biens des prévenus, alors que la défense y voit un simple acharnement contre ses clients.
Selon l’agent judiciaire de l’Etat représenté par Me Lancinet Sylla, avocat de la partie civile, les montants détournés qui ont servi à faire des « voyages de formation imaginaires » à l’étranger et en Guinée relèvent des redevances et de taxes des sociétés de téléphonie mobile dont Orange, Cellcom et Areeba.
« A la date du 20 avril 2015, un montant de 349 millions 860 mille francs guinéens a été décaissé pour une formation de quatre semaines au Maroc. Une formation qui était destinée à quatre agents. Pour la formation à Paris de cinq personnes, plus de 500 millions de francs guinéens ont été décaissés à la date du 25 juillet 2015. À la date du 20 Septembre 2015, un montant de 641 millions de francs guinéens a été déboursé pour une formation de trois semaines au Canada. On dit qu’il y avait cinq participants. À la date du 27 Février 2016, pour une deuxième formation en France de neuf personnes, un milliard 701 millions de francs guinéens a été décaissé… En l’espace d’un an et demi, la somme de 17 milliards, 170 millions 735 mille francs guinéens a été sortie des caisses de l’Etat guinéen pour des voyages imaginaires à l’étranger… La responsabilité pénale de Paul Moussa Diawara et Inza Bayo, les deux cosignataires de toutes les sorties de fonds dont nous avons fait état ici, est incontestablement établis. C’est pourquoi, nous vous demandons très respectueusement de prendre acte de la constitution de partie civile de l’Etat guinéen, représenté par l’agent judiciaire de l’Etat dans cette affaire. Ce faisant, vous allez reconnaître les sieurs Diawara et Bayo, coupables de détournement de deniers publics au préjudice de l’Etat guinéen. Ces fonds compromis et qui n’ont pas été justifiés s’élèvent à la somme de 42 milliards 115 millions 760 mille 20 francs guinéens. Et, à titre des dommages et intérêts, nous sollicitons le quart (1/4) de ce montant. C’est-à-dire 10 milliards 528 millions 940 mille 5 francs guinéens. Et, pour nous permettre d’obtenir le remboursement de ces deniers publics, nous sollicitons la confiscation totale de tous les biens appartenant aux deux prévenus. Pour terminer, nous sollicitons qu’il vous plaise, monsieur le président, d’ordonner l’exécution provisoire de cette mesure », a plaidé Me Lancinet Sylla.
A en croire l’avocat de l’Etat, il y avait d’autres pratiques qui permettaient de dilapider, de détourner de l’argent à l’OGP : « Il s’agissait de la coalition entre l’OGP et Horizon international. Un cabinet qui n’a aucune existence juridique, mais dont les prestations ont été facturées à 4 milliards 194 millions 782 mille francs guinéens. L’autre mode opératoire à l’OGP était une commission fictive de recouvrement qui a été mise en place pour pouvoir sortir des fonds ; alors que la même régi financière avait un huissier de justice qui était en charge du recouvrement des créances… ».
Dans la même lancée, le parquet a demandé dans ses réquisitions de retenir Paul Moussa Diawara et Inza Bayo dans les liens de la prévention pour détournements de deniers publics et complicité. Pour la répression requiert le procureur Ousmane Sankhon, « vous les condamnerez à 5 ans d’emprisonnement. Le ministère public demande aussi au tribunal d’ordonner la saisie des biens des prévenus. Et, nous demandons enfin au tribunal d’ordonner l’exécution provisoire.
« Les prévenus ont reconnu le recouvrement des montants qui ont été énumérés ici. Mais, pour ce qui est du versement de ces montants au trésor public, rien n’a été justifié… Les bandits en col blanc doivent aussi aller en prison au même titre que les petits voleurs qui sont jugés ici à longueur de journée », a indiqué le parquetier .
Dans ses moyens de défense, l’avocat de l’ancien patron de l’OGP a présenté son client comme une victime d’un complot au plus haut sommet : « Ces montants énumérés ici sont imaginaires. Ils n’existent que dans la tête de ceux qui ont monté ce dossier pour ternir l’image de mon client. A l’arrivée de Paul Moussa Diawara à l’OGP, cette institution n’avait pas plus de 50 mille francs. Avec son courage, il a viabilisé ce service. Il a eu le courage suicidaire de tendre la main à des contribuables, il a même initié des procédures en s’attaquant à des entreprises qui ont été contraintes de payer à l’Etat guinéen son dû. Il a fait de l’OGP une vache laitière… Mais, Paul Moussa Diawara est aujourd’hui victime d’intention politique de la part des aigris sociaux incompétents qui sont aujourd’hui très proches du pouvoir et qui pensent que ce jeune dynamique est une ombre sur leurs têtes », a expliqué Me Salifou Béavogui.
Ajoutant : « J’ai l’impression que nous sommes dans un procès expéditif et punitif qui vise simplement à envoyer Paul Moussa Diawara en prison. Je me demande pourquoi ce tribunal n’a jamais accepté une contre-expertise du rapport qui a été apporté ici par le poursuivant (l’Etat guinéen). Tout au long de cette procédure, mes clients n’ont jamais bénéficié de défense équitable. Nous avons demandé la comparution du ministre Bantama Sow qui était le président du conseil d’administration de l’OGP. Ça a été refusé. Tous les moyens de preuves que nous avons produits ont été rejetés. C’est une injustice inqualifiable. Mes clients sont victimes d’acharnement politico-judiciaire. C’est ce qui justifie d’ailleurs la présence de la RTG (radio et télévision publique) dans cette salle. On prend des images qu’on passe à la télévision comme pour dire qu’on a pris les voleurs, on les a jugés et condamnés. Cependant, ceux qui ont détourné ne sont pas inquiétés ».
« Ce dossier n’a pas livré tous ses secrets. Si vous prenez une décision à ce stade, je suis sûr que la cour d’appel va ordonner une contre-expertise. C’est pourquoi, je vous demande de renvoyer mes clients des fins de la poursuite pour délit non constitué », a-t-il laissé entendre.
Finalement, le tribunal a mis le dossier en délibéré pour décision être rendue le 1er Avril prochain.
Thierno Amadou Oury BALDE