Le moins que l’on puisse dire, l’intimidation et les arrestations des personnes exerçant des professions libérales ont pris une proportion inquiétantes en Guinée ces derniers temps. Après des journalistes, cinq huissiers de justice sont en détention à la Direction centrale de la police judiciaire(DPJ). L’information a été confirmée par Me Sory Daouda Camara, president de la Chambre Nationale des Huissiers de justice de Guinée.

Dans une déclaration rendue publique le vendredi 3 mai 2019, le president des Huissiers de Guinée a dit : « nous portons à la connaissance de l’opinion publique nationale et internationale que dans la soirée du jeudi 2 mai 2019, l’un de nos confrères du nom de Me Lansana Salifou Soumah, huissier de justice près des juridictions de Conakry a reçu un appel téléphonique de Monsieur le procureur général près la cour d’appel de Conakry. Dans cet appel, il a invité notre confrère à se rendre à son bureau pour un entretien autour d’un dossier que celui-ci avait pour exécution. Arrivé dans le bureau du procureur, il a été surpris de constater la présence des policiers qui l’attendaient. Aussitôt, le procureur lui a mis à la disposition de ces derniers. Conduit dans les locaux de la direction centrale de la police judiciaire, il a pu nous joindre au téléphone.

Nous avions directement essayé de rentrer en contact avec le procureur général. Il nous a dit de ne pas nous inquiéter qu’il s’agissait d’une procédure dont l’exécution est confiée à son cabinet que les policiers étaient juste chargés de l’entendre.  Qu’il ne s’agissait pas d’une arrestation. Nous nous sommes calmés ».

Plus tard dans la soirée, dit-il, notre confrère nous a rappelés que contrairement a ce que dit le procureur, les agents veulent l’enfermer et qu’il n’a pas été entendu. « Nous sommes rendus dans les locaux de la DPJ. Nous avions vu qu’il était effectivement en garde-à-vue. Nous avions essayé de joindre le colonel en charge du dossier et ce dernier était en réunion dans un autre bureau. Cela nous a retenus jusqu’à 22heures et le procureur n’était plus à son bureau. Après, le procureur nous a dit qu’il appelait le directeur central de la police judiciaire, lequel ne décrochait pas l’appel. Il nous a dit d’être rassuré qu’il va donner des instructions. Vers 22 heures nous avons quitté les locaux de la DPJ.

Très tôt le matin, nous avions appelé et notre confrère était toujours en détention là-bas ».

A la suite de notre démarche, poursuit Me Sory Daouda a dit, « il y a des avocats qui se sont mobilisés pour joindre le procureur. Il les a donnés la même assurance. Sous le choc de ce matin, nous avons décidé de nous transporter au parquet général pour rencontrer le procureur général pour qu’il nous donne plus de détails sur cette affaire. En cours de route, quelques confrères ont émis l’idée de partir dire bonjour au confrère Lansana Salifou à la DPJ. Etant dans la cour, nous avions constaté la réaction de quelques policiers qui ont estimé que le nombre de visiteurs était en dépassement, que tout le monde ne devrait pas rentrer.

Ainsi, ils ont procédé à pousser des huissiers de telle sorte que personne ne pouvait se laisser faire. Cela s’est soldé par des échauffourées et quatre autres confrères huissiers ont été arrêtés.

Nous avions pris la direction du parquet général. A la rentrée de la cour d’appel, nous avons croisé le procureur général qui sortait déjà. Parce qu’il avait reçu un coup de fil de la DPJ de ce qui venait de se produire là-bas. Nous nous sommes présentés devant lui, mais nous avions eu l’impression qu’il ne voulait pas nous entendre. Il s’est dirigé vers son véhicule tout en nous disant qu’il partait prendre son vaccin. Malgré notre insistance, il s’est introduit dans son véhicule et partir », a explique le chef des Huissiers.

A en croire l’huissier, cet acte est une provocation des huissiers de Guinée. « Nous avions compris qu’il s’agit d’une provocation. Parce que notre confrère n’a rien fait. Sauf qu’il était dans une procédure ou un démembrement dont l’Etat est concerné. Il s’agit du ministère de l’administration du territoire dont un démembrement occupe un immeuble appartenant à une famille. Finalement, l’agent judiciaire de l’Etat a voulu retirer cette propriété des mains du véritable propriétaire qui est la famille Keita en disant que c’est un bien de l’Etat. Il y a eu un procès. Et des décisions de justice ont été rendues et ont reconnu la propriété de cet immeuble à la famille Keita. Pendant des années, cette famille n’est pas parvenue à exécuter sa décision.

Hier jeudi, la famille en d’espoir de cause s’est transportée sur les lieux pour se rendre justice sans l’huissier de justice. Il y a très longtemps que l’huissier n’a pas posé un seul acte. La famille a délogé les gens qui occupaient son immeuble en vidant des meubles. Ils ont recherché un bouc émissaire et  l’huissier avait son nom dans le dossier. C’est le seul motif de son appel par le procureur général et détenu à la DPJ », a-conclu Me Sory Daouda

Daouda Yansané