Jean-Pierre Bemba a été débouté par la Cour pénale internationale (CPI), à laquelle il réclamait près de 70 millions d’euros de dommages et intérêts. Poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en Centrafrique en 2002 et 2003, l’ex-vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) avait finalement été acquitté en juin 2018.
Jean-Pierre Bemba n’a pas été victime d’une erreur judiciaire « grave et manifeste », ont affirmé les juges de la Cour pénale internationale (CPI), dans une décision rendue le 18 mai. L’ex-vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) ne pourra donc pas percevoir les 26,2 millions d’euros qu’il réclamait à la Cour pour ses années passées à l’ombre des murs de la prison de Scheveningen.
Arrêté dans une banlieue huppée de Bruxelles en mai 2008, Jean-Pierre Bemba avait passé dix années en prison, auxquelles il faut néanmoins retrancher une année, purgée pour sa condamnation pour intimidation de témoins, prononcée en marge de son procès pour crimes de guerre.
Dans une décision rendue le 18 mai, les magistrats reconnaissent que « 10 ans représentent un temps de détention considérable susceptible d’entraîner des souffrances personnelles ». Mais ils assurent néanmoins que le patron du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) a eu un procès régulier et que dès lors, il ne peut pas obtenir de compensations.
Les juges dédouanent la CPI
L’homme d’affaires congolais ne recevra pas plus d’indemnités pour les dommages infligés à ses biens, du moins pas de la Cour. Suite à son arrestation en mai 2008, plusieurs États avaient, à la demande de la juridiction, gelé ses biens, dont sa résidence en Belgique, où vivait toujours sa femme et ses enfants. Jean-Pierre Bemba réclame 42,4 millions d’euros pour la dégradation de sept avions, trois propriétés de luxe dans la région de Faro, au Portugal, et un bateau, une propriété à Bruxelles, plusieurs voitures, des parcelles de terres en RDC et plusieurs comptes en banque. Des biens saisis à la demande du procureur, y compris le Boeing 727-100 avec lequel il s’était envolé vers le Portugal lors des violences qui avaient suivi son échec à l’élection présidentielle de novembre 2006 face à Joseph Kabila. L’appareil est toujours à l’aéroport de Faro, mais les notes de parking n’ont pas été honorées, les taxes sont restées impayées et la maintenance n’a pas été assurée. « L’avion n’est maintenant que ferraille », écrivaient les avocats dans leur requête, accusant la Cour des dégradations.
Aujourd’hui, les juges dédouanent la Cour de toute responsabilité. Celle-ci n’est pas responsable de ces biens, disent-ils en substance, qui, une fois gelés, étaient sous la responsabilité des États concernés : Portugal, Belgique et RDC. Mais, ajoutent-ils, rien n’empêche Jean-Pierre Bemba « d’exercer d’autres voies de recours […] en vue de demander réparation ».
Contacté par téléphone, l’avocat de Jean-Pierre Bemba compte bien faire appel de cette décision. « Ce n’est pas terminé, ce n’est que la première étape », assure Peter Haynes, regrettant que la Cour n’ait pas donné suite à une proposition d’arbitrage. « La CPI n’est pas immunisée de toute poursuite et si la CPI viole un contrat, il y a des procédures civiles qui s’appliquent », avance l’avocat. Peter Haynes remarque en outre que « ces ordonnances de gel des avoirs de Jean-Pierre Bemba visaient à indemniser les victimes en cas de condamnation ». Il constate que si Jean-Pierre Bemba avait été condamné, « il n’existerait plus rien de ce qui était prévu pour leur fournir des réparations ».
Assistance aux victimes de viols
L’acquittement de Jean-Pierre Bemba avait mis fin à la procédure en réparation pour les victimes. Mais le Fonds qui leur est dédié a, dès l’annonce de l’acquittement, décidé de relancer un programme qui trainait dans ses cartons depuis plusieurs années. Suite à l’ouverture, en 2007, d’une enquête du procureur sur les crimes commis lors de la guerre civile de 2002 et 2003 en Centrafrique, le Fonds avait commencé à plancher sur des projets d’assistance aux victimes. Mais en mars 2013, avant même le démarrage, tout avait été suspendu avec la reprise de la guerre en Centrafrique. Et le dossier sommeillait, lorsque Jean-Pierre Bemba fut acquitté par la chambre d’appel, en juin 2018.
Dix-huit ans après la guerre de 2002 et deux ans après l’acquittement de l’ancien vice-président congolais, le Fonds devrait débuter des projets d’assistance aux survivants au cours de l’été. D’ici fin août, explique le directeur du Fonds Pieter de Baan, un projet pilote basé à Bangui doit permettre l’ouverture de programmes d’assistance psychique et psychologique à 200 victimes considérées comme les plus vulnérables, victimes de viols et infectées par le VIH. Les enfants de victimes de ces viols devraient aussi compter parmi les premiers bénéficiaires. Le Greffe de la CPI doit encore valider le contrat passé entre le Fonds et l’organisation – dont le nom est confidentiel – qui mettra en œuvre des projets d’aide aux victimes. « Si la Pandémie de Covid-19 ne ralentit pas les opérations, les projets seront en place d’ici fin août avant de pouvoir s’étendre au reste du pays », affirme Pieter de Baan.
Source RFI