Alors qu’un Sommet du G20, qui rassemble les principales puissances du monde, est prévu les 21 et 22 novembre à Riyad, en Arabie saoudite, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé les dirigeants de ce groupe à prendre des mesures audacieuses pour éviter une dépression mondiale.

Dans une lettre adressée à ces dirigeants et rendue publique le mardi dernier, M. Guterres rappelle que la pandémie de Covid-19 « a mis à nu les failles systémiques de nos sociétés, de notre système économique mondial et des institutions qui régissent le système international ».

« Les conséquences sautent aux yeux : les inégalités s’accentuent, le fardeau de la dette pèse plus lourd que jamais et de plus en plus de familles, de communautés et d’économies ont besoin d’un soutien vital et se tournent vers les dirigeants de tous les pays, au moment où elles sont le plus dans le besoin », ajoute-t-il.

Selon le Secrétaire général, l’action rapide du G20 a été déterminante en ce qu’elle a atténué les premières retombées sociales et économiques de la pandémie, citant l’Initiative de suspension du service de la dette.

Le G20 « doit maintenant faire preuve d’une plus grande ambition et proposer des mesures plus audacieuses pour permettre aux pays en développement de faire face à la crise de manière efficace et éviter que la récession mondiale ne se transforme en dépression mondiale », écrit M. Guterres.

Le chef de l’ONU rappelle que l’Organisation a réaffecté 2,9 milliards de dollars pour répondre aux besoins suscités par la Covid-19 et a donné la priorité à l’aide socioéconomique aux pays en développement. « Mais l’Organisation a besoin de l’appui sans réserve de ses États Membres, en particulier du G20 » pour faire face à cette crise et reconstruire en mieux, dit-il.

Faire face à l’urgence

S’agissant de la pandémie, le chef de l’ONU estime que les premiers résultats positifs obtenus récemment lors des mises à l’essai du vaccin contre la Covid-19 montrent qu’il est de plus en plus urgent d’agir pour l’accès équitable aux vaccins, aux diagnostics et aux traitements.

Il invite le G20 à combler le déficit de financement de 28 milliards de dollars nécessaires pour financer le dispositif visant à accélérer l’accès aux outils de lutte contre ‎la Covid-19 et son mécanisme COVAX, à généraliser la distribution des produits médicaux essentiels et à offrir des soins de santé de base, notamment dans les pays en développement où les systèmes de prestations sanitaires et l’économie sont moins bien outillés pour relever le défi.  « Nous devons également résister à toute forme de nationalisme vaccinal », dit-il.

Le chef de l’ONU note également que quelque 115 millions de personnes supplémentaires risquent de tomber dans l’extrême pauvreté, et que la faim aiguë pourrait presque doubler pour toucher plus de 250 millions de personnes. « Les envois de fonds – une bouée de sauvetage indispensable pour beaucoup – ont diminué de plus de 20% », ajoute-t-il.

Dans ce contexte, il invite le G20 à favoriser « la mise en place de socles de protection sociale pour toutes les personnes, quels que soient leur âge, leur genre, leur religion, leur origine, leur statut migratoire ou leur orientation sexuelle, notamment pour celles qui travaillent dans l’économie informelle et invisible qu’est le secteur des services à la personne ».

« Le Groupe devrait se mettre d’accord pour lever certaines restrictions aux déplacements qui entravent le respect du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés. J’engage également le G20 à prendre immédiatement des mesures pour ramener le coût des envois de fonds à un niveau proche de zéro. Les économies du G20 doivent aussi veiller à ce qu’il soit tenu compte du genre lors de l’élaboration de plans de relance budgétaire et de programmes d’aide sociale », écrit M. Guterres.

Selon le chef de l’ONU, cette pandémie a également fait apparaître que la dégradation de l’environnement engendre des pandémies. « Le G20 devrait augmenter les investissements dans la biodiversité, l’action climatique et la restauration des écosystèmes, qui constituent le fondement de nos sociétés et de nos économies », dit-il.

Alléger le problème de la dette

Le Secrétaire général de l’ONU s’inquiète également d’une nouvelle crise majeure de la dette souveraine qui pourrait se profiler à l’horizon.

Il appelle le G20 à prendre « plusieurs mesures importantes » :

•    Soutenir une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux et la réaffectation des droits inutilisés;
•    Proroger la durée de l’Initiative de suspension du service de la dette jusqu’à la fin de 2021 et en étendre la couverture pour inclure les pays à revenu intermédiaire vulnérables qui en ont besoin;
•    Etendre l’éligibilité au cadre commun pour le traitement de la dette aux pays vulnérables à revenu intermédiaire et envisager de nouveaux allégements de la dette, y compris des annulations;
•    Mettre en place un dispositif mondial pour accroître la transparence  de la dette et la soutenabilité de la dette.

Le chef de l’ONU estime que la protection de l’emploi, en particulier pour les femmes et les jeunes, doit être un élément clef des mesures socioéconomiques mises en place.

Il invite les chefs d’État et de gouvernement à se faire le fer de lance de la protection sociale universelle et de l’initiative de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui vise à l’universalisation du travail décent, et à aider les pays en développement à mettre en place rapidement un revenu minimum provisoire et à affecter des fonds à des programmes de création d’emplois et de reconversion professionnelle, tout particulièrement pour les jeunes.

Pour maintenir les liquidités nécessaires aux pays en développement, il met de nouveau en garde contre le retrait prématuré du soutien budgétaire et monétaire aux économies. « L’aide publique au développement doit être augmentée pour répondre aux besoins urgents de tous les pays vulnérables », écrit-il.

Construire un avenir durable et résilient

Le Secrétaire général de l’ONU appelle aussi à harmoniser les mesures de relèvement avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat.

« J’invite tous les dirigeants du G20 à mettre à profit le Sommet Action Climat, que je coorganise le 12 décembre 2020 avec la France et le Royaume-Uni, en partenariat avec le Chili et l’Italie, pour annoncer leurs plans et politiques en vue d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris », écrit-il.

À cette fin, les pays du G20 doivent, selon lui :

•    Définir une orientation claire pour la politique climatique en transformant les engagements de Paris en objectifs légiférés  au niveau national;
•    Harmoniser les dépenses publiques consacrées au relèvement à la suite de la Covid avec les objectifs climatiques et les objectifs de développement durable;
•    Intégrer un cadre pour garantir que chaque décision financière tienne compte du changement climatique, avant tout en rendant obligatoire la publication d’informations financières liées au climat;
•    Utiliser les banques multilatérales, régionales et nationales de développement pour favoriser et réduire les risques d’investissement dans les économies en développement et les économies émergentes, en soutenant la mobilisation de financements et d’investissements privés, et insister pour que ces institutions alignent leurs financements et leurs opérations sur les objectifs de Paris;
•    Placer la solidarité mondiale et la coopération multilatérale au centre de notre action.

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