Le 09 juin 1998 à Ougadougou (Burkina Fasso) est née grâce à un Protocole une Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de la volonté des Etats africains de voir triompher les idéaux de paix, de justice, de liberté et de dignité ; idéaux inspirés directement de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Le Protocole, en vigueur depuis janvier 2004, réaffirme son attachement aux principes et valeurs contenues dans les instruments adoptés par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) ainsi que les organisations internationales telles que l’ONU, la Cour européenne des Droits de l’Homme…

Les objectifs assignés par ce Protocole à la nouvelle juridiction sont de deux ordres :
Promouvoir et défendre les droits de l’homme sur le continent africain. La réalisation de ces deux objectifs était confiée à la commission africaine des droits de l’homme, crée à cette fin en 1987.

En guise d’historique, revenons sur les deux moments forts qui ont précédé la création de la Cour africaine des Droits de l’homme. Il s’agit d’abord de la résolution AHG/Res. 230(XXX), aux termes de laquelle la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, réunie en juin 1994 à Tunis(Tunisie), s’est prononcée en faveur du renforcement de la commission et de la création de ladite Cour.

C’est ensuite le tour des experts africains de se réunir, à plusieurs reprises, pour concrétiser la résolution des Chefs d’Etat : Cap, Afrique du sud (septembre 1995), Nouakchott, Mauritanie(avril 1997) et Addis-Abeba, Ethiopie(décembre 1997)

Une des missions de cette haute juridiction supranationale est de ” connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la charte, […], et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés. ” (Art. 3 du Protocole de Ouagadougou).

Ce sont les Etats partis au Protocole qui présentent la candidature des onze juges qui siègerons durant six( 6)ans. Ceux-ci ” sont rééligibles une seule fois “. Leur statut et leur indépendance sont garanties par le droit international.

Que juge la Cour africaine des Droits de l’Homme ?

La Cour africaine juge tous les actes qui constituent des atteintes aux droits de l’homme prévues par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que ceux prévus par les conventions internationales auxquelles les Etats africains font parties, selon la formule : ” et autres instruments pertinents relatifs aux droits humains. ” Ainsi, sont concernés : la convention de New York relative aux Droits des enfants, les Pactes de 1966 sur les droits civils et politiques, la convention sur les femmes, etc.

Le Protocole de Ouagadougou contient l’inventaire des droits et leur définition ; ils ne comportent pas, en revanche, l’énoncé des peines que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples peut prononcer.

Qui peut saisir la Cour ?

La Cour est saisie par la Commission, les Etats Parties, les Ong, ainsi que les personnes physiques ressortissantes des Etats membres.

Avant de se prononcer sur la recevabilité de toute requête, la Cour sollicite l’avis de la commission qui doit répondre dans ” le meilleur délai “.

A noter que la Commission joue un rôle central dans la procédure d’examen des dossiers, bien entendu en synergie avec la Cour.

A l’issue de l’examen contradictoire des requêtes et des preuves, la Cour statut par un arrêt ” dans les quatre vingt dix ( 90) jours qui suivent la clôture de l’instruction de l’affaire. ” (Art. 28 du Protocole).

Mais de quels moyens dispose la Cour pour exécuter ses décisions ?

Contrairement aux juridictions nationales des Etats membres qui disposent des moyens coercitifs, la Cour africaine se contente de déclaration suivante : ” Les Etats partis au présent protocole s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à assurer l’exécution dans le délai fixé par la Cour. ” (Art. 30)

Depuis sa création à Ouagadougou (Burkina Faso, 1998), le Protocole constitutif de la Cour africaine des droits de l’homme n’est entré en vigueur qu’en janvier 2004. A l’heure actuelle, 19 Etats ont ratifié ce protocole.

En 2000, l’Acte constitutif de l’Union africaine a été adopté lors du Sommet de Lomé (Togo). Et, ce n’est qu’en juillet 2001 à Lusaka (Zambie) qu’une quarantaine de Chefs d’Etat ont ratifié la transformation de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en Union africaine (UA).

L’Acte constitutif de l’UA, crée en même temps une Cour de justice de l’Union africaine. Le statut, la composition et les fonctions de cette nouvelle Cour sont précisés par le Protocole de Maputo(Mozambique), adopté le 10 juillet 2003 et ratifié par seulement 5 Etats. On est loin des 15 ratifications requises pour l’entrée en vigueur de ce protocole.

L’Assemblée générale réunie en sa 3e session ordinaire en juillet 2004 à Addis-Abeba décide alors, par un projet de protocole, de fusionner la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples avec la Cour de justice de l’Union Africaine.

Ce projet de fusion est contesté par Amnesty International Belgique, qui demande sa révision dans un communiqué de presse rendu public le 15 janvier2005. www. amnesty.

Parmi les critiques et craintes formulées par Amnesty International, on retient, au titre de “crainte”, l’imprécision quant au mandat donné à la Cour dans le prononcé d’une “réparation efficace contre les violations des droits humains définis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.” Qu’au surplus, les juges composant ladite Cour sont élus “à titre personnel parmi des juristes jouissant d’une très haute autorité morale, d’une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des Droits de l’Homme et des Peuples” (Art. 11 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples).

Amnesty International critique cette disposition au motif que la compétence en matière des droits humains, qui devait être une condition nécessaire pour l’élection d’un juge à cette cour, devient une condition “optionnel”.

En somme, depuis Maputo (Mozambique) se juxtaposent la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour de Justice de l’Union Africaine.

Un projet de fusion des deux juridictions est en cours. D’ores et déjà, étudions de plus près les nouveautés qu’apportent les statuts, la composition et les pouvoirs de cette nouvelle Cour de justice définis dans un Protocole y afférant.

Quelles sont donc les innovations apportées par le Protocole créant la Cour de Justice de l’Union ?

Sur la forme : le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples comprend 35 articles. En revanche, le Protocole de la Cour de Justice de l’Union en comporte 60 et dix chapitres La liste de critères de recrutement des juges composants l’organe judiciaire de l’Union a été allongée et clarifiée, ainsi que les conditions requises pour être éligible prévues aux articles 3 et 4 (articles 11 et 12 anciens) du Protocole de la CJUA.

Sur le fond : Les principes humanistes qui ont présidé à l’élaboration et à l’adoption de la Charte africaine des droits de l’homme ont été respectés.

De même que les pouvoirs et l’indépendance des juges, ainsi que le respect de l’exécution de l’arrêt de la Cour ont été confortées.

L’équilibre général du Protocole de Ouagadougou ( 1998) a été globalement préservé. Reste le projet de Protocole relatif à la fusion de la Cour africaine des droits de l’homme avec la Cour de justice de l’Union Africaine qui, nous dit-on, ne devrait pas tarder à être promulgué.

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