Le manque de financement freine le développement et la mise en application des recherches sur le milieu marin, dont les applications sont considérables, s’inquiète le deuxième Rapport mondial sur les sciences océaniques, publié lundi par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO, à l’approche de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service d’un développement durable 2021-2030.
« Les États ne consacrent que 1,7% de leurs budgets en moyenne de recherche aux sciences de l’océan, soit beaucoup moins que dans les autres grands domaines scientifiques », signale l’UNESCO, pour qui « ce manque d’investissement est d’autant plus difficile à justifier que les océans ont un rôle fondamental dans la question du climat et de la biodiversité ».
Les découvertes dans l’océanographie alimentent presque tous les secteurs de l’économie et de la société avec des applications dans les domaines du médicament, de la préservation de la biodiversité, ou le développement de nouveaux processus industriels, souligne l’UNESCO. En outre, les applications pour l’atténuation ou l’adaptation aux changements climatiques sont les technologies océanographiques les plus fréquemment brevetées.
Le nombre de publications scientifiques océanographiques est en augmentation en Asie et, dans une moindre mesure, en Amérique du Nord et en Europe. Les pays les plus en pointe étant la Chine, le Japon et la République de Corée.
Les budgets consacrés aux sciences océaniques varient considérablement d’un pays à l’autre et dans le temps. Entre 2013 et 2017, 14 pays ont augmenté leur budget moyen, la Fédération de Russie ayant enregistré le taux de croissance annuel le plus élevé (plus de 10%), devant le Royaume-Uni et la Bulgarie, tandis que neuf ont réduit leur budget, de manière assez marquée dans certains cas, notamment le Japon, l’Équateur, la Turquie, le Brésil et l’Italie, donne en exemple l’UNESCO.
Au-delà de ces choix budgétaires, la communauté internationale a pris l’engagement de parvenir d’ici 2030 à une exploitation raisonnable des océans en souscrivant à l’Objectif de développement durable numéro 14 de l’agenda 2030. Pourtant, seule une minorité d’entre eux ont défini une stratégie spécifique pour y parvenir, souligne le rapport.
Accroître la collaboration et la formation
Par ailleurs, le rapport souligne l’accroissement de la collaboration internationale entre océanographes et appelle au renforcement des partenariats Sud-Sud et Nord-Sud.
« L’innovation, complétée par des transferts de technologie, doit jouer un rôle fondamental pour aider les États en développement à exploiter de manière soutenable leurs ressources maritimes et halieutiques », explique l’UNESCO.
En matière de ressources humaines aussi le besoin crucial de formation dans les divers domaines de la gestion des océans.
Les femmes sont sous-représentées constituant 39% des océanographes, un pourcentage en augmentation par rapport au précédent rapport et supérieur de 6 points à la présence féminine dans les sciences naturelles.
Cette moyenne cache néanmoins de très fortes disparités selon les pays – on compte 63% de femmes dans la recherche océanographique en Croatie, par exemple, contre 12% seulement au Japon, précise l’UNESCO.
L’océanographie mondiale a aussi besoin de se rajeunir, même si là encore les disparités sont fortes, selon les pays.
Mieux gérer et partager les informations
Enfin, le rapport indique que les États ne sont pas suffisamment équipés pour gérer leurs informations, ce qui entrave leur libre accès.
Le partage de ces données, comme un bien commun de l’humanité, devra figurer parmi les priorités de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques, en lien avec le travail de l’UNESCO vers un instrument légal international sur la science ouverte.
La Commission océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO estime que le prochain rapport, envisagé pour 2025, devrait permettre d’évaluer les conséquences du coronavirus et des pandémies sur les capacités humaines et techniques dans le domaine des sciences océanographiques. Il permettra aussi de dresser un bilan à mi-parcours de la Décennie pour les sciences océaniques.
Ces dernières comprennent toutes les disciplines de recherche liées à l’étude de l’océan : de la physique et la chimie aux sciences sociales et humaines, en passant par la biologie, la santé, la géologie, l’hydrographie, en incluant plus globalement les recherches multidisciplinaires sur les liens entre êtres humains et océan.