Par un Arrêté conjoint n°002 du 05 janvier 2021, le Ministre de la Sécurité et de la protection civile, le Ministre du commerce et le ministre du Budget ont INTERDIT L’IMPORTATION, LA DISTRIBUTION ET LA COMMERCIALISATION DE LA CHICHA sur toute l’étendue du territoire national
QUELQUES REMARQUES :
- L’arrêté interdit l’importation, la commercialisation et la distribution de la CHICHA. Mais il n’interdit pas la consommation. Or, tandis que la distribution est un acte intermédiaire, la consommation est l’acte d’utilisation finale du bien ou du service. Interdire la distribution n’est ainsi pas interdire la consommation. En ce sens, l’Arrêté peut s’interpréter comme autorisant l’utilisation des Chicha déjà achetées. On peut douter que cela soit l’esprit ayant sous-tendu la mesure sans ignorer l’incidence de l’imprécision conceptuelle en termes de conséquences juridiques.
- Cet Arrêté représente la preuve que le Gouvernement n’a déposé aucune démission. Ce premier constat est conforté par l’inexistence d’un indice de démission du gouvernement sur un espace officiel quelconque.
- A supposer même que l’on considère cet Arrêté comme l’indice rendant compte de ce que le Gouvernement n’aurait pas démissionné, ledit arrêté pose un problème. Tandis qu’il est signé le 05 janvier tout en annonçant sa publication prochaine, il prévoit en son article 1 que l’interdiction de l’importation, de la commercialisation et de la distribution de la Chicha PREND EFFET À COMPTER DU 4 JANVIER.
L’articulation de ces dates appelle deux remarques : soit les auteurs de l’Arrêté ont manqué d’attention dans sa rédaction. Soit ils ont entendu conférer un caractère rétroactif à l’arrêté. Pour autant, il est difficile de voir – en termes d’implications – l’intérêt qu’aurait un arrêté d’interdiction signé le 5 janvier à prendre effet depuis le 4 janvier. Ce constat accrédite ainsi la première branche de l’hypothèse : le défaut d’attention.
Enfin, plus sérieusement, les CHICHA sont des marchandises autorisées jusqu’avant la date d’interdiction. Raisonnablement – au sens démocratique de la gouvernance – soit l’interdiction devrait être modulée dans le temps pour permettre aux opérateurs dont elle constitue une marchandise de s’en débarrasser y compris en réexportant les stocks importés.
Soit les services compétents de l’Etat devraient proposer des moyens d’accompagnement pour éviter que l’effet immédiat – on devrait dire rétroactif – de la décision d’interdiction ne produise des conséquences déraisonnables sur des opérateurs qui, de bonne foi, en ont fait une activité principale de toutes les manières licite avant la décision d’interdiction. Sur ce point, dans tous les cas, le rapport entre la date de signature et la date d’entrée en vigueur, le rapport entre celle-ci et l’incidence sur les opérateurs devraient raisonnablement suggérer une attitude différente.
- Si, contrairement à cette première conséquence, il est établi que le gouvernement a effectivement démissionné le 3 janvier, l’Arrêté du 5 janvier serait nul et de nul effet pour incompétence ratione temporis de ses auteurs. Le droit ne se borne pas à fournir les actes qui sont possibles. Mais il désigne le titulaire du pouvoir ainsi que les conditions, l’espace, et le temps dans lesquels son acte est considéré comme régulier et, en conséquence, susceptible de produire des effets juridiques. L’on ne peut ainsi pas relever d’un gouvernement ayant démissionné le 3 janvier et, dans le même temps, continuer à prendre des décisions le 5 ; a fortiori des décisions privatives de libertés (de commerce) ; puisqu’il s’agit de prohibition de l’importation, de la commercialisation et de la distribution de la Chicha et non de l’encadrement des conditions d’importation….de distribution.
Jean Paul KOTEMBEDOUNO