Lors d’une série de dialogues virtuels organisés à partir de lundi par le Forum de Davos, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a plaidé une nouvelle fois en faveur de la coopération internationale pour aider un monde « fragile » à se relever de la crise sanitaire, économique et sociale déclenchée il y a un an par la pandémie de Covid-19.

« S’il y a un mot qui caractérise le monde d’aujourd’hui, c’est bien la fragilité. Nous le voyons dans les effets de la crise déclenchée par la Covid-19. Plus de 2 millions de personnes sont mortes et nous traversons la pire crise économique depuis près d’un siècle », a dit le chef de l’ONU dans un discours.

« Nous le voyons dans les inégalités entre les personnes et les pays qui ont été clairement mises en évidence par la pandémie. Les femmes, en particulier, ont été durement touchées par les pertes d’emplois et les charges supplémentaires de soins. Nous constatons également une fragilité dans les crises climatique et de biodiversité. Les deux sont des menaces existentielles. Les deux empirent », a-t-il ajouté.

Le Forum économique mondial, appelé Forum de Davos, se tient habituellement chaque année fin janvier, réunissant en Suisse des dirigeants d’entreprise, des responsables politiques du monde entier ainsi que des intellectuels et des journalistes, afin de débattre des problèmes les plus urgents de la planète.

Cette année, le Forum a abandonné ce format et organise, du 25 au 29 janvier, une série virtuelle de « Dialogues de Davos », au cours desquels les dirigeants mondiaux partageront leurs points de vue sur l’état du monde en 2021. En outre, le Forum a prévu une réunion extraordinaire cette année à Singapour, qui aura lieu du 13 au 16 mai

Le risque que le monde se scinde en deux

Le Secrétaire général a également noté les divisions géopolitiques mondiales et a dit craindre la possibilité que le monde se scinde en deux, les deux plus grandes économies de la planète se retrouvant à la tête de deux zones avec des devises et des règles commerciales et financières différentes, chacune avec son propre Internet et ses propres stratégies géopolitique et militaire.

« Nous devons tout mettre en œuvre pour éviter une telle division », a déclaré M. Guterres. « Nous avons besoin d’une économie mondiale avec un respect universel du droit international ; un monde multipolaire doté d’institutions multilatérales fortes ».

Le chef de l’ONU a également constaté une fragilité dans le cyberespace, sans consensus sur la manière de tirer pleinement parti du monde numérique tout en évitant les risques. « Nous sommes encore loin d’avoir mis en place les mécanismes multipartites qui garantiront une gouvernance sûre et équitable du cyberespace », a-t-il noté.

Le Secrétaire général a aussi constaté la fragilité du régime de désarmement et les risques croissants de prolifération nucléaire et chimique.

Remettre le monde sur les rails

Dans ce contexte, il faut « lutter contre ces fragilités et remettre le monde sur les rails », a plaidé M. Guterres. « Il est temps de changer de cap et d’emprunter la voie durable ».

Selon lui, il est possible d’utiliser le relèvement post-Covid « pour passer des fragilités à la résilience », mais cela exige dialogue et collaboration. « Les gouvernements, les organisations internationales, le secteur privé et la société civile doivent travailler ensemble », a-t-il ajouté, appelant une nouvelle fois à un « multilatéralisme revigoré, inclusif et en réseau ».

Selon lui, la voie à suivre est clairement définie par les objectifs de développement durable (ODD). Pour les atteindre, le chef de l’ONU appelle à un nouveau contrat social au sein des sociétés et à un nouveau pacte mondial entre les gouvernements, les citoyens, la société civile et les entreprises pour créer l’égalité des chances pour tous et respecter les droits et libertés de tous.

Le Secrétaire général a rappelé les deux priorités immédiates auxquelles le monde doit répondre : la nécessité d’une reprise mondiale inclusive et équitable et une reprise verte qui s’attaquera au changement climatique et à la perte de biodiversité.

« Une reprise inclusive et durable dans le monde entier dépendra de la disponibilité et de l’efficacité des vaccins pour tous, d’un soutien fiscal et monétaire immédiat dans les pays développés et en développement, et de mesures de relance transformatrices à plus long terme », a-t-il expliqué.

« Parallèlement à une reprise inclusive, nous avons besoin d’une reprise durable qui aide à mettre fin à notre guerre contre la nature, à éviter une catastrophe climatique et à restaurer notre planète », a-t-il ajouté, rappelant que l’objectif central de l’ONU pour 2021 est de construire une coalition mondiale pour la neutralité carbone.

La reprise économique mondiale demeure précaire, selon un nouveau rapport de l’ONU

Le Secrétaire général a tenu ces propos alors qu’un nouveau rapport a été publié lundi par le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA), indiquant qu’en 2020, l’économie mondiale a reculé de 4,3%, soit plus de deux fois et demi plus que pendant la crise financière mondiale de 2009.

La modeste reprise de 4,7% attendue en 2021 compenserait à peine les pertes de 2020, selon le dernier rapport sur la Situation et les perspectives de l’économie mondiale.

Le rapport souligne que la reprise durable après la pandémie dépendra non seulement de l’ampleur des mesures de relance et du déploiement rapide des vaccins, mais aussi de la qualité et de l’efficacité de ces mesures pour renforcer la résistance aux chocs futurs.

Il signale que les dépenses de relance par habitant des pays développés ont été près de 580 fois supérieures à celles des pays les moins avancés (PMA), bien que le revenu moyen par habitant des pays développés ne soit que 30 fois supérieur à celui des PMA. Cette disparité drastique met en exergue la nécessité d’une plus grande solidarité internationale et d’un soutien, y compris l’allégement de la dette, pour le groupe de pays les plus vulnérables.

En outre, le financement de ces plans de relance a nécessité le plus important emprunt en temps de paix, augmentant la dette publique de 15% au niveau mondial. Cette augmentation massive de la dette pèsera indûment sur les générations futures si une part importante n’est pas canalisée vers des investissements productifs et durables, et pour stimuler la croissance.

Le rapport de DESA appelle à stimuler les investissements, revitaliser le commerce mondial et empêcher une austérité prématurée, des bulles financières et l’aggravation des inégalités.