Un expert indépendant de l’ONU a fait part de ses craintes sur le risque de violences dans le pays où des manifestations étaient prévues ce mercredi 17 février.
« Je crains que (la journée de) mercredi présente un risque de violence à plus grande échelle au Myanmar que ce que nous avons vu depuis la prise de contrôle illégale du gouvernement le 1er février », a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Tom Andrews, dans un communiqué publié dans la nuit de mardi à mercredi.
Une manifestation a été organisée, mardi, dans le centre-ville de Yangon, la première ville du Myanmar. « Il pourrait y avoir des manifestations dans d’autres villes et cantons », a dit M. Andrews, après la circulation d’informations faisant état d’un « procès secret » de la Conseillère d’État, Aung San Suu Kyi, et du Président Win Myint, qui aurait commencé lundi.
« De nombreuses personnes indignées du Myanmar convergeront à Yangon aujourd’hui pour s’opposer à la junte et à son simulacre de procès contre Aung San Suu Kyi et Président Win Myint. Ils ont le droit de le faire sans la menace de détention ou de violence de la part des Tatmadaw (nom de l’armée birmane) » a commenté l’expert indépendant onusien sur son compte Twitter officiel mercredi matin. « Le monde marche avec vous aujourd’hui ! », a-t-il ajouté.
Le Rapporteur spécial a indiqué, mardi soir, « avoir reçu des informations selon lesquelles des soldats avaient été envoyés depuis des régions périphériques vers Yangon ». « Dans le passé, ces mouvements de troupes ont précédé des meurtres, des disparitions et des détentions massives », a-t-il averti.
Au vu de la confluence des manifestations de masse planifiées et des mouvements de troupes, M. Andrews s’est dit « terrifié » à l’idée de voir « les militaires commettre des crimes encore plus graves contre le peuple du Myanmar ».
L’expert a lancé un appel urgent à « tous les gouvernements, individus et entités » qui peuvent avoir une influence sur les autorités militaires du Myanmar à user de cette influence pour convaincre la junte que les rassemblements prévus mercredi doivent être autorisés à se dérouler sans détentions, ni violences. « La répression continue des libertés fondamentales et des droits de l’homme du Myanmar doit cesser immédiatement », a-t-il insisté.
Pressions économiques sur la junte
M. Andrews a envoyé un message particulier aux entreprises étrangères faisant des affaires au Myanmar, les exhortant à agir immédiatement : « Appelez de toute urgence vos interlocuteurs au sein du Conseil administratif d’État (junte) et insistez sur le fait que vous serez obligé de suspendre ou de cesser vos activités au Myanmar s’ils continuent sur cette voie violente ».
Le Rapporteur spécial a demandé aux milieux d’affaires de rappeler aux militaires qu’en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les entreprises et les investisseurs devraient suspendre ou mettre fin à leurs activités avec la junte birmane lorsque le risque de participation à de graves violations des droits de l’homme ne peut plus être raisonnablement géré.
« Je dirais, comme beaucoup d’autres, que nous avons dépassé ce seuil depuis longtemps », a-t-il dit. « Veuillez les implorer de faire preuve de retenue. Implorez-les de rendre le pouvoir au peuple du Myanmar ».
Ne pas rester silencieux
Comme il l’a déjà clairement souligné par le passé à de nombreuses reprises, Tom Andrews a rappelé que les membres de la chaîne de commandement militaire du Myanmar, quel que soit leur rang, peuvent être tenus responsables de toutes les atrocités commises contre le peuple birman. Il leur a rappelé qu’il était de leur devoir de « désobéir aux ordres d’attaquer ».
L’expert reconnaît qu’il ne suffit pas de compter sur la « seule obligation morale ou légale » de l’armée pour éviter une effusion de sang dans le pays. « C’est pourquoi il est si impératif que tous ceux qui ont de l’influence exigent que la junte se retienne (de commettre) de nouvelles violences et arrestations arbitraires ».
« Si, comme je le crains, nous constatons la poursuite de la violence de masse contre des manifestants pacifiques, ces entreprises qui continuent de travailler avec l’armée, quelles que soient leurs actions, doivent accepter qu’elles sont complices de la violence », a dit le Rapporteur spécial. « Comme l’a dit Martin Luther King : ‘Il arrive un moment où le silence est une trahison’ ».
Pas de délégation de haut-niveau de l’ONU dans le pays à ce jour
Au vu des rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux, le bureau des Nations Unies au Myanmar a tenu à préciser, mercredi, qu’aucune délégation de haut niveau de l’ONU ou de « Haut-Commissaire » ne sont actuellement présents dans le pays.
« Les Nations Unies suivent la situation actuelle avec inquiétude », a déclaré, sur ses comptes officiels Twitter et Facebook, le bureau de l’ONU au Myanmar.