« Les quatre coins du globe sont touchés par des violations des droits humains », a alerté, lundi, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à l’ouverture de la 46e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH), ajoutant que « « les coups d’État n’ont pas leur place dans notre monde moderne ».

Lors de cette réunion tenue en visioconférence depuis Genève, le Secrétaire général a exprimé son inquiétude concernant la situation au Myanmar où « les défis sont dramatiquement évidents ». Il a ainsi exprimé tout son soutien au peuple de ce pays d’Asie du Sud-Est « dans sa quête de démocratie et de paix et dans son action en faveur du respect des droits humains et de l’Etat de droit ».

M. Guterres a appelé l’armée birmane, qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi, à « arrêter immédiatement » la répression. « Libérez les prisonniers. Mettez fin à la violence. Respectez les droits humains et la volonté du peuple exprimée lors des récentes élections », a-t-il demandé dans une vidéo préenregistrée et diffusée à l’ouverture de la 46e session du CDH.

Faire face au « fléau du racisme, de la discrimination et de la xénophobie »

D’une manière générale, M. Guterres a déploré « l’affaiblissement de la démocratie, l’utilisation de la force brutale, les arrestations arbitraires, la répression dans toutes ses manifestations ou la restriction de l’espace civique ». Une politique punitive, qui se manifeste aussi par « des attaques contre la société civile, des violations graves commises contre les minorités sans que les responsables n’aient à rendre de comptes, notamment à ce qui a été appelé à juste titre un nettoyage ethnique de la population Rohingya ».

Alors que la pandémie met les droits humains sous les projecteurs, le relèvement est l’occasion de créer un élan de transformation. Pour l’ONU, le moment est donc venu « de remettre les pendules à zéro ». « De refaçonner. De reconstruire. De mieux redresser, dans le respect des droits humains et de la dignité de toutes et tous ».

Car sur le terrain, le monde fait face au « fléau du racisme, de la discrimination et de la xénophobie ainsi qu’à l’inégalité de genre ». Des maux, qui sont alimentés par deux des injustices les plus profondes de notre histoire : « l’héritage de siècles de colonialisme et la persistance du patriarcat à travers les millénaires ».

Pour le chef de l’ONU, cette calamité a un visage et elle se manifeste par « la volonté de jeter de l’huile sur le feu du racisme, de l’antisémitisme, du sectarisme antimusulman, de la violence contre des minoritaires chrétiennes, de l’homophobie, de la xénophobie et de la misogynie ».

Les mouvements de suprémacistes blancs, une « menace transnationale »

Des maux, qui ne sont pas nouveaux. « Ce qui l’est, c’est la possibilité de se livrer à de tels actes de façon plus visible, plus facile et plus généralisée », a détaillé le chef de l’ONU, tout en mettant en garde contre « la diabolisation » et le racisme qui « gangrène les institutions, les structures sociales et notre quotidien – parfois de manière invisible et insidieuse ».

Dans son intervention, M. Guterres a par ailleurs appelé à « intensifier la lutte contre la résurgence du néonazisme, de la suprématie blanche et du terrorisme à motivation raciale et ethnique ». Plus qu’une menace terroriste intérieure, ces mouvements de suprémacistes blancs et les mouvements néonazis sont en train de « devenir une menace transnationale », a-t-il considéré.

Devant le CDH, M. Guterres a déclaré que le danger que représentent « ces mouvements de haine grandit de jour en jour ». « Aujourd’hui, ces mouvements extrémistes représentent la menace numéro un pour la sécurité intérieure de plusieurs pays », a-t-il ajouté, sans nommer les Etats.

Le chef de l’ONU dénonce « le nationalisme vaccinal »

En attendant, ces groupes voyagent dans le monde entier « pour s’entraîner ensemble et mettre en réseau leurs idéologies haineuses », a dénoncé M. Guterres, regrettant que bien trop souvent, ces groupes haineux sont encouragés par des personnes occupant des postes à responsabilité. Ce qui semblait encore inimaginable il n’y a pas si longtemps.

« Ce n’est que par une action concertée à l’échelle mondiale que nous pourrons mettre fin à cette menace sérieuse et croissante », a-t-il fait valoir, rappelant l’importance de s’attacher à sauvegarder les droits des personnes issues de minorités, dont beaucoup sont menacées partout dans le monde.

Sur un autre plan, le chef de l’ONU a par ailleurs dénoncé « le nationalisme vaccinal ». « A eux seuls, dix pays se sont partagés plus de trois-quarts des doses de vaccin contre la Covid-19 administrées à ce jour », a-t-il dit, relevant que « l’incapacité d’assurer un accès équitable aux vaccins représente une nouvelle faillite morale et nous renvoie en arrière ».

Dans son discours annuel devant le CDH, le Secrétaire général a consacré une large part de son discours à la pandémie de Covid-19, en soulignant qu’elle avait notamment « aggravé les vulnérabilités » et bouleversé la vie de centaines de millions de familles qui ont perdu un emploi ou vu leurs revenus s’effondrer.

La pandémie ne doit pas servir à réprimer les voix dissonantes

« La pandémie a affecté de manière disproportionnée les femmes, les minorités, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les réfugiés, les migrants et les peuples autochtones » et « l’extrême pauvreté gagne du terrain » a-t-il déploré.

« Des années de progrès en matière d’égalité des genres ont été réduites à néant », a-t-il dit, ajoutant que sur la question des femmes, « rien de tout cela n’est dû au hasard ». Il s’agit là du résultat de générations d’exclusion. Et, en définitive, d’une question de pouvoir.

« Un monde et une culture dominés par les hommes donneront des résultats dominés par les hommes. « La vie des femmes est peut-être l’un des baromètres les plus précis de la santé de la société dans son ensemble », a rappelé M. Guterres, évoquant sa détermination « à en faire beaucoup plus ». « Cette responsabilité ne relève pas d’une seule personne ou d’une seule entité ».

Le Secrétaire général de l’ONU a également déploré que la pandémie soit utilisée par certains pays, pour réprimer les « voix dissonantes ». « Brandissant la pandémie comme prétexte, les autorités de certains pays ont pris des mesures de sécurité sévères et adopté des mesures d’urgence pour réprimer les voix dissonantes, abolir les libertés les plus fondamentales, faire taire les médias indépendants et entraver le travail des organisations non gouvernementales », a dit le chef de l’ONU.

Plus globalement, ces restrictions liées à la pandémie ont servi d’excuse « pour miner les processus électoraux, affaiblir les voix des opposants et réprimer les critiques ».

Pour un avenir numérique sûr, équitable et ouvert

Dans le même temps, l’accès à des informations vitales a parfois été entravé alors que « la désinformation mortelle a été amplifiée – y compris par ceux qui sont au pouvoir ».

Par ailleurs, les habitudes des populations deviennent « des marchandises qui sont commercialisées comme des contrats à terme ». A ce sujet, des données sont utilisées pour « façonner et manipuler nos perceptions, sans que nous ne nous en rendions compte ». « Tout cela n’est ni de la science-fiction, ni une anticipation dystopique de ce qui pourrait survenir au XXIIe siècle. Cela se passe ici et maintenant », a-t-il dit, ajoutant que tout cela exige « un débat sérieux ».

M. Guterres a donc mis en garde contre la puissance des plateformes numériques et contre l’utilisation et l’abus de données. « J’exhorte tous les États membres à placer les droits de l’homme au centre des cadres réglementaires et de la législation sur le développement et l’utilisation des technologies numériques », a-t-il déclaré.

Dans ces conditions, l’ONU a élaboré une feuille de route de coopération numérique afin de trouver la voie à suivre. « Le monde a besoin d’un avenir numérique sûr, équitable et ouvert afin de veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la vie privée ou à la dignité », a conclu M. Guterres, qui a réaffirmé ainsi son appel à l’action de l’année dernière, en faveur des droits humains, y compris les questions contemporaines d’action climatique, de technologie et de genre.