« Il n’y a aucune preuve attestant que la peine capitale aurait des effets dissuasifs », a affirmé mardi à Genève, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, lors d’un débat du Conseil des droits de l’homme sur la peine de mort.

« Au contraire, les Etats qui ont aboli la peine de mort connaissent une baisse ou une stabilisation des crimes et ces données devraient être plus fortes que les hypothèse », a déclaré mardi à Genève, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet.

Pour l’ancienne Présidente chilienne, c’est la certitude d’une sanction – et non la gravité de la sanction – qui dissuade les auteurs de crime.

Les preuves et les arguments politiques vont dans le sens de l’abolition de la peine de mort partout et en toutes circonstances, a poursuivi Mme Bachelet. Dans ces conditions, cette punition n’a pas sa place au XXIème siècle, a-t-elle fait valoir.

Hausse des taux d’homicides dans certains États adoptant la peine de mort

Pour la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, la peine de mort est contraire à la dignité humaine et nie les droits fondamentaux, au premier rang desquels le droit à la vie.

En écho à l’analyse de Mme Bachelet, un membre du Comité des droits de l’homme de l’ONU, Christopher Arif Bulkan, a indiqué que les pays qui conservent la peine capitale et continuent de la mettre en œuvre ne parviennent pas à réduire leurs taux d’homicides.

« C’est le cas par exemple dans certains États des Caraïbes membres du Commonwealth. Malgré le maintien de la peine de mort, le taux d’homicides augmente chaque année voire reste parmi les plus élevés du monde, comme c’est le cas à Trinidad-et-Tobago », a précisé M. Bulkan.

Une façon de détailler ces « preuves empiriques existantes », qui montrent que la peine de mort est inefficace en tant que moyen de dissuasion contre la criminalité.  Il existe de nombreux exemples internationaux bien connus qui soutiennent cette affirmation, notamment au Canada, en Europe de l’Est, et même aux États-Unis, où l’abolition et les moratoires sur la peine de mort ont entraîné une baisse spectaculaire des taux d’homicides.

Le Tchad abolit la peine capitale en avril 2020

Plus globalement, l’expert du Comité soutient qu’il y a même un degré élevé d’arbitraire dans la façon dont la sanction est appliquée. Il y a de nombreux aspects irrationnels dans la peine de mort.

Selon l’expert indépendant onusien la peine capitale est ainsi appliquée aux plus vulnérables et des erreurs peuvent se produire et se produisent. S’accrocher à la peine capitale n’a au mieux qu’un attrait symbolique et ne constitue pas une réponse efficace ou efficiente aux crimes violents, a fait remarquer le panéliste.

De son côté, le Tchad est revenu sur le long chemin ayant mené à l’abolition de la peine de mort. C’est en 2017 que N’Djamena a procédé à une révision du Code pénal et du Code de procédure pénale, pour se mettre en conformité avec le droit international.

L’abolition de la peine de mort a été décrétée pour les infractions de droit commun, les actes de terrorisme restant alors régis par la loi de 2015, a rappelé Djimet Arabi, Ministre de la justice du Tchad. L’année dernière, le gouvernement tchadien a adopté une loi portant répression des actes de terrorisme et abrogeant l’ancien texte de 2015.

Depuis lors, le Tchad est totalement abolitioniste, a indiqué le Garde des sceaux.  Il a fallu plus de 50 ans pour en arriver là. Car le Code pénal tchadien de 1967 prévoyait la peine de mort dans le cadre d’une juridiction d’exception. Et un moratoire sur cette peine, décrété en 1990, avait tenu jusqu’en 2005.

A cette date, le Tchad a dû revoir son arsenal juridique « lorsque des attaques terroristes ont entraîné la condamnation à mort des coupables ».  En 2015, a poursuivi le Ministre, pris de court par d’autres attaques terroristes, le Tchad a adopté une loi spéciale contre le terrorisme.  Des peines de mort ont alors été prononcées et des exécutions réalisées.

Aujourd’hui, l’abolition de la peine capitale est la pointe des réformes de droits de l’homme engagées au Tchad, qui aboutiront à la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et visant l’abolition de la peine de mort.  Pour Ndjaména, la peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue un châtiment dégradant et inhumain, a dit le Ministre tchadien de la justice.

Plus largement, de nombreux orateurs se sont dits encouragés par le fait que plusieurs Etats envisagent de s’engager dans un processus d’abolition de la peine de mort.  Quelque 123 Etats ont d’ailleurs voté l’an dernier en faveur de la résolution de l’Assemblée générale pour l’abolition de la peine de mort.

ONU Info