Alors que l’opposant Ousmane Sonko se rendait à la convocation du juge d’instruction, le député a été arrêté et conduit à la section de recherches pour « troubles à l’ordre public », ont indiqué ses avocats.

Ousmane Sonko était attendu au palais de justice de Dakar ce mercredi matin, où il était convoqué par le juge d’instruction dans une affaire de viol. Ousmane Sonko avait d’abord affirmé qu’il ne se rendrait pas à la convocation, avant de changer d’avis, sur les conseils de ses avocats, de son guide religieux et de responsables de la société civile. Mais accepter cette convocation « n’est pas une abdication », a-t-il ajouté mardi, en appelant ses partisans à rester mobilisés.

Le convoi de l’opposant a quitté son domicile vers 9h, un trajet filmé en direct sur sa page Facebook, accompagné de partisans, qui s’étaient rassemblés en masse, malgré un important dispositif sécuritaire.

Mais il y a eu un différend avec la préfecture concernant l’itinéraire pour rejoindre le tribunal. Ousmane Sonko a alors protesté en déclarant qu’il était « libre de ses mouvements ». Le convoi est resté bloqué plusieurs heures.

La tension est montée. Des militants ont été dispersés à coup de gaz lacrymogènes et l’opposant a donc été arrêté pour « troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non-autorisée », selon ses avocats, et conduit à la Section de recherches où il a été placé en garde à vue.

Cela a provoqué des heurts entre forces de l’ordre et manifestants qui scandaient « Libérez Sonko », notamment dans ce quartier de Colobane, tout l’après-midi : tirs de gaz lacrymogènes contre jets de pierre. Les boutiques avaient baissé le rideau sur les allées du Centenaire, jonchées de cailloux, de briques, et de pneus brûlés.

Les blindés ont bloqué les accès au carrefour. Police anti-émeute, gendarmerie mobile. Un important dispositif de sécurité était déployé dans plusieurs quartiers de la capitale. Des troubles ont aussi éclaté à Saint Louis, au nord du pays, ou encore en Casamance au sud, à Ziguinchor et Bignona, fief de l’opposant

Aucun bilan global n’était disponible mercredi soir sur le nombre de blessés, sur les dégâts matériels ou sur des arrestations. Ce nouveau rebondissement a en tout cas fait monter la tension dans cette affaire qui agite le pays depuis plus de 3 semaines.

Ousmane Sonko a en tout cas refusé de répondre aux questions des gendarmes de la section de recherche, selon sa défense. La garde à vue de l’opposant, notifiée mercredi après-midi, est un « prétexte », selon Youssoupha Camara, l’un des avocats du collectif de défense d’Ousmane Sonko.

Une analyse partagée par un autre avocat d’Ousmane Sonko, maître Djiby Diagne. « Il voulait venir, seulement ils lui ont interdit de passer par le chemin par lequel il devait partir. La convocation du juge n’a pas pu permettre qu’il se présente, la solution à leur niveau, consistait alors de lui coller une infraction, troubles à l’ordre public, et dans les 45h, il va être jugé. Donc cette nouvelle procédure est une simple technique qui permettait d’avoir la main sur lui et de l’écarter de ce public qui l’accompagnait. »
Du côté du parti au pouvoir APR, son porte-parole adjoint et premier vice-président de l’Assemblée nationale, Abdou Mbow s’indigne des violences « inouïes » et du  « vandalisme ». « L’Etat prendra toutes ses responsabilités pour que force reste à la loi.  Parce que nous sommes dans un pays démocratique mais on ne peut pas accepter que les choses se règlent avec la violence. Cette affaire est venue d’une affaire privée. Et je pense que depuis qu’ils ont commencé à communiquer, jamais vous ne les avez entendus se prononcer sur les faits, c’est-à-dire l’accusation de présumé viol. »
Par ailleurs, une vingtaine de députés de l’opposition ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour contester la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko votée vendredi dernier.
RFI