Afin d’éviter de nouvelles violences au Grand Jonglei, l’ONU a exhorté, lundi, les autorités sud-soudanaises à demander des comptes aux militaires et aux personnalités politiques qui soutiennent les milices communautaires de cette région.
Selon un nouveau rapport publié conjointement par la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des milices communautaires organisées et lourdement armées, ont mené une vague d’attaques planifiées et coordonnées contre des villages de la région de Jonglei et de la zone administrative de Pibor (GPAA) entre janvier et août 2020. Ces milices sont issues des communautés Dinka, Nuer et Murle,
Plus de 738 personnes ont été tuées et 320 blessées. Au moins 686 femmes et enfants ont été enlevés et 39 femmes violées au cours de la période de huit mois couverte par le rapport. En outre, des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées, des biens civils et des installations humanitaires ont été pillés et/ou détruits, et au moins 86.000 têtes de bétail (d’une valeur supérieure à 35 millions de dollars) ont été volées.
L’implication directe ou indirectes de 50 chefs traditionnels et chefs spirituels
Le rapport des Nations Unies indique clairement que le gouvernement du Soudan du Sud doit assumer l’entière responsabilité des préjudices infligés à de nombreux civils.
« Six mois après la dernière attaque dévastatrice dans le Grand Jonglei, il est clair que les personnages clés, tant au niveau local que national, ont délibérément alimenté et exploité les tensions localisées, devront rendre des comptes », a déclaré Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
Selon la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, le risque que ces milices communautaires ravivent la violence armée est trop grave pour être ignoré. A ce sujet, le document rappelle qu’au moins 50 chefs traditionnels et chefs spirituels, ainsi que des élites militaires et politiques, ont soutenu directement ou indirectement les attaques menées par les milices communautaires dans le Grand Jonglei.
En outre, des membres des forces gouvernementales et de l’opposition ont participé activement aux combats en fonction de leur parenté, ou dans le cadre d’une démarche calculée pour renforcer les alliances politiques. « D’où le défi que représente la mise en place d’une armée totalement intégrée dans le contexte polarisé du Soudan du Sud », font valoir les services de la Haut-Commissaire Bachelet.
Lorsque la violence a éclaté, la Mission de l’ONU a rapidement déployé des soldats de la paix dans les zones touchées, établissant des bases temporaires et effectuant des patrouilles régulières pour aider à dissuader de nouvelles attaques.
Empêcher les membres des forces de sécurité d’armer les milices
La Mission s’est engagée auprès des dirigeants politiques et traditionnels aux niveaux national et local afin de promouvoir la réconciliation, a facilité les conférences de paix et a soutenu les efforts visant à obtenir la libération des centaines de femmes et d’enfants qui auraient été enlevés.
Alors que des pourparlers de paix et de réconciliation entre les communautés concernées sont en cours depuis des mois, l’ONU déplore l’absence « de mesure significative pour enquêter sur les responsables des violations des droits humains et les poursuivre en justice ». « Il est primordial que le gouvernement prenne des mesures efficaces pour empêcher les membres des forces de sécurité de fournir à ces milices des armes provenant des stocks gouvernementaux », a insisté Mme Bachelet.
A cet égard, le rapport demande au gouvernement de finaliser la nomination des administrateurs locaux et des assemblées locales dans tout le Jonglei et Pibor. Il s’agit ainsi d’enquêter sur toutes les allégations de violations des droits humains et d’abus, et de poursuivre les responsables.
Pour l’ONU, les armes appartenant à l’État doivent être conservées dans des entrepôts sécurisés afin d’éviter les vols et de garantir que les membres des forces de sécurité ne puissent pas les fournir aux milices communautaires.
« Des mesures immédiates et fermes doivent également être prises pour faciliter la libération et la réunification des femmes et des enfants enlevés avec leurs familles », a conclu la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.