Remarques et réflexions sur le Projet de Loi portant érection de Sous-préfectures en Communes rurales.
Monsieur le Président, Honorables collègues, Messieurs les ministres,
D’entrée de jeu, je dois souligner pour m’en féliciter, la quasi-unanimité qui s’est dégagée hier en Inter-commission parmi les députés, toutes tendances confondues, pour poser la question suivante au gouvernement : Quels ont été les critères appliqués pour la création de ces sous-préfectures et communautés rurales ? Quels sont les critères d’éligibilité pour un district qui veut devenir une sous-préfecture ?
Le moins qu’on puisse dire est que la réponse claire à cette question est toujours attendue. Des faits montrent qu’en ce domaine, le gouvernement a manqué de transparence. On a noté qu’il y a eu des décrets gardés plusieurs mois sous le manteau. Pourquoi avoir créé une seule sous-préfecture en Guinée du Sud-Est, vaste territoire, alors que le reste du pays en a eu 19 et que cette région en avait 15 en demande ?
A cette lancinante question, nous en ajoutons une autre : Dans le contexte actuel, quelle sera la contribution réelle de ces nouvelles Sous-préfectures au bien être des habitants, je veux dire en dehors du prestige et des règlements de comptes ? Absolument rien !
Nous qui sommes sur le terrain, savons parfaitement que ces créations de nouvelles unités administratives répondent soit à des revendications communautaires, comme au Fouta, soit à des revendications de type clanique comme en Haute Guinée. La plupart des fois, nous savons que ces décisions sont prises pour satisfaire des promesses électorales du RPG, parti au pouvoir.
Notre sentiment est qu’avec cette orientation, le pouvoir, est en train d’ouvrir une boîte à pandores qui ne contribuera en rien à la cohésion des communautés et au progrès tant attendu, bien au contraire. En témoigne le tollé exprimé par les élus de la Région du Sud-Est et le fait qu’à Kourou (qui s’appelle en réalité Kourou Maninka) et à Tarambaly, par exemple, de petites localités sont presque en révolte contre leur rattachement à ces nouvelles unités. Ce texte donc crée bien plus de problèmes qu’il n’en résout.
Le prétexte de rapprocher l’Administration des administrés ne trompe que ses auteurs. C’est le lieu de dire avec force que l’instrumentalisation de la division ne peut pas avoir des limites et ira jusqu’à la destruction du tissu social. Les petits villages vont demander à être des sous-préfectures ; les villages demanderont à être érigés en préfectures, et ainsi de suite. « Pourquoi eux et pas nous ? » Le coût de l’administration du territoire va donc exploser, sans aucune amélioration notable des conditions de vie de la population, pendant que l’élite bureaucratique se reproduit indéfiniment et prospère.
A cet égard, nous avons, comme par miracle, un fait révélateur de la véritable situation que vivent nos sous-préfectures : selon un quotidien en ligne, il y a deux jours, les populations en colère de Sanguiana (Kouroussa) se sont soulevées pour chasser leur sous-préfet, M. Sayon Keita. Ils reprochent à ce membre du commandement d’être corrompu, détournant sans vergogne les redevances minières et vendant pour son compte la coupe illégale du bois dans la contrée, contribuant ainsi à la désertification. Tous ces revenus ne bénéficient en rien aux populations.
Cependant, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MINAT), le Général Bourema Kondé qui était présent en session plénière du parlement pour défendre son texte, a estimé que les informations données par le média n’étaient pas vraies. Selon lui, le sous-préfet a été victime d’une calomnie de la part de gens dont les intérêts dans la coupe du bois avaient été contrariés. A l’heure où nous parlons, le sous-préfet a été réinstallé à son poste, manu-militari.
En tout état de cause, nous ne pouvons pas encourager les populations à se faire justice elles-mêmes face à des administrateurs véreux. Il conviendra dans ce cas de suivre les voies légales de recours auprès de la hiérarchie ou même la justice).
Voilà le véritable problème auquel nous sommes confrontés : une administration locale corrompue, parasitaire, vivant de racket et de trafics et détournements de toutes sortes et n’ayant aucune idée de ses obligations envers les populations. Ces agents de l’Etat ne contribuent en rien au développement local, mais constituent en réalité un vrai fardeau et une véritable calamité pour les populations guinéennes.
Si le gouvernement veut agir dans l’intérêt du pays, voilà le vrai chantier auquel il devrait s’attaquer : bien former les agents du commandement (Préfets et Sous-préfets) et guérir ce corps de ses tares congénitales et contribuer au progrès et au bonheur des populations administrées. Le rôle de fabricants de procès-verbaux électoraux n’est pas dans leurs attributions. Tout le reste n’est que distraction.
Je vous remercie.
Conakry, le 16 mars 2021
Mamadou Baadiko Bah
Président de l’UFD et Député à l’Assemblée nationale