Du 29 au 31 mars, j’ai eu l’honneur de me rendre pour la troisième fois en visite officielle au Mali. Il s’agissait de ma dernière visite en qualité de Procureur de la Cour pénale internationale (la « Cour » ou CPI) avant la fin de mon mandat en juin prochain. Lors de ce déplacement, ma délégation et moi avons participé à un programme complet de réunions et d’entretiens fructueux avec les autorités maliennes ainsi qu’avec des représentants du pouvoir judiciaire, de la société civile et d’associations des victimes, des responsables communautaires et religieux, et des membres du monde universitaire et des médias. Nous avons également rencontré, à cette occasion, des représentants de l’Organisation des Nations Unies et du corps diplomatique en poste au Mali.
Je tiens à exprimer ma sincère reconnaissance, en mon nom et au nom de mon équipe, aux autorités maliennes et au Président de la Transition, S.E. M. Bah N’Daw, pour leur accueil chaleureux et leur coopération lors de notre visite à Bamako et à Tombouctou.
Je tiens également à remercier le Fonds au profit des victimes de la CPI ainsi que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (« UNESCO » ) d’avoir organisé une cérémonie historique de réparation symbolique en faveur des victimes et de nous y avoir gracieusement conviés. L’événement a rendu hommage aux souffrances, au courage et à la résilience de ces victimes, et faisait suite à la condamnation de M. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, premier individu accusé et reconnu coupable par la CPI du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments religieux et historiques à Tombouctou au Mali. M. Al Mahdi a été condamné à neuf ans d’emprisonnement et à verser la somme de 2,7 millions d’euros à titre de réparations aux victimes. Sa condamnation a envoyé un message clair : compte tenu de la gravité des crimes de cette nature au regard du droit international, leurs auteurs doivent répondre de leurs actes devant la justice et en seront tenus responsables. Nous ne devons plus accepter que le patrimoine culturel soit pris pour cible et détruit impunément.
Comme je l’ai déclaré lors de cette cérémonie, lorsque des biens culturels sont détruits, ce passé est perdu à jamais, causant des pertes irrémédiables pour l’humanité tout entière. Nous devons mobiliser l’ensemble de nos ressources et, dans le cadre de nos mandats respectifs, lutter collectivement contre le fléau de la destruction du patrimoine culturel en période de guerre et de conflit. Le combat contre l’impunité des auteurs de crimes atroces et en faveur de la protection du patrimoine culturel ne saurait être une affaire individuelle et, plus que jamais, la réussite de ce combat passe par des initiatives conjointes et par la collaboration. Nous devons rester #UnisPourLePatrimoine.
Compte tenu de l’importance que mon Bureau et moi attachons à cette question, et conformément à mon Plan stratégique visant à porter une attention toute particulière aux crimes commis à l’encontre ou au détriment du patrimoine culturel, nous avons récemment publié un Projet de politique générale relative au patrimoine culturel à des fins de consultation et dans le but de recueillir les observations des représentants des États parties au Statut de Rome, de la société civile et d’autres parties prenantes. Mon Bureau a bénéficié de l’étroite collaboration de l’UNESCO dans le cadre de cette initiative, et je profite de l’occasion pour saluer publiquement le travail absolument crucial que cette organisation accomplit et remercier ses membres pour leur coopération et assistance. Nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre notre collaboration avec eux.
Dans notre deuxième affaire dans la situation au Mali, le procès engagé à l’encontre de M. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud se poursuit depuis juillet dernier. L’intéressé doit répondre de 13 chefs d’inculpation de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, notamment des crimes sexuels et à caractère sexiste et des attaques délibérées portant atteinte au patrimoine culturel, qui auraient été commis à Tombouctou. C’est la première fois qu’un individu est poursuivi devant la CPI pour le crime de persécution pour des motifs sexistes et religieux. Les attaques portant atteinte au patrimoine culturel font partie des crimes sous-jacents.
Mon Bureau poursuivra ses efforts pour que ces crimes graves, notamment les atteintes au patrimoine culturel, notre patrimoine commun, ne restent pas impunis. Lors de ma visite à Tombouctou, les échanges directs que j’ai eus avec des responsables des diverses communautés et des personnes touchées par les actes de destruction qui ont ravagé cette ville historique, ont renforcé mes convictions quant à l’importance de traduire en justice les auteurs de tels crimes. L’Histoire, qui est menacée par ces attaques visant des lieux de mémoire, retiendra notre inaction ou notre manque de détermination.
Lors de ma visite, j’ai également dialogué avec les représentants des autorités maliennes à propos des violences qui se poursuivent sur leur territoire, notamment la situation préoccupante au centre du pays et la nécessité de s’assurer que les enquêtes menées à l’échelon national soient diligentées au plus vite et que les auteurs d’atrocités à l’encontre de la population civile rendent des comptes à la justice. J’ai réitéré l’engagement de mon Bureau à leur fournir l’appui nécessaire et à soutenir les efforts nationaux déployés pour enquêter sur les atrocités en cause et traduire en justice les responsables, conformément à notre mandat et au principe de complémentarité.
Nos enquêtes au Mali se poursuivent. Je remercie les autorités maliennes pour leur coopération et leur soutien. Mon Bureau reste déterminé à mettre tout en œuvre, dans les limites de son mandat et de ses ressources, pour rendre justice aux victimes d’atrocités à la CPI ou en soutenant les procédures engagées à l’échelon national dans le cadre du régime de complémentarité.
Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression, en toute impartialité et en toute indépendance. Depuis 2003, le Bureau enquête sur plusieurs situations relevant de la compétence de la CPI, notamment en Afghanistan (demande de sursis à enquêter présentée au titre de l’article 18 en suspens), au Bangladesh/Myanmar, au Burundi, en Côte d’Ivoire, au Darfour (Soudan), en Géorgie, au Kenya, en Libye, au Mali, en Ouganda, en République centrafricaine (deux situations distinctes), en République démocratique du Congo et en Palestine. Le Bureau conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Bolivie, en Colombie, en Guinée, aux Philippines et au Venezuela (I et II) et en a récemment achevé deux autres portant sur les situations au Nigéria et en Ukraine (dans l’attente de demandes d’autorisation d’ouvrir une enquête).
Avec la CPI