Un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies a fermement rejeté ce lundi 19 avril, un rapport soutenu par le gouvernement britannique sur le racisme et les disparités ethniques dans le pays, relevant que « cette étude falsifiait davantage les faits historiques, et pouvait même alimenter le racisme, la discrimination raciale et les stéréotypes négatifs ».
Dans une déclaration, le Groupe de travail d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine a condamné l’affirmation du document selon laquelle, s’il existe des actes de racisme manifestes au Royaume-Uni, il n’y a pas de racisme institutionnel.
« La conclusion du rapport selon laquelle le racisme est soit un produit de l’imagination des personnes d’origine africaine, soit des incidents discrets et individualisés, ignore le rôle omniprésent que la construction sociale de la race a été conçue pour jouer dans la société, en particulier dans la normalisation de l’atrocité, dans laquelle l’État et les institutions britanniques ont joué un rôle important », fustigent les experts indépendants onusiens.
« Une dérobade malheureuse »
Un rapport commandé par le gouvernement britannique dans le sillage des manifestations Black Lives Matter de 2020 et rendu public le 31 mars dernier a qualifié le pays d’exemple à suivre en matière de réduction des inégalités raciales.
« Cette tentative de normalisation de la suprématie blanche en dépit de recherches considérables et de preuves d’un racisme institutionnel est une dérobade malheureuse de l’opportunité de reconnaître les atrocités du passé et les contributions de tous afin d’aller de l’avant » souligne le Groupe d’experts, regrettant un reconditionnement « de tropes et de stéréotypes racistes pour en faire des faits ».
Il reproche au rapport de déformer des données, en appliquant « de manière erronée » des statistiques et des études pour en faire « des conclusions concluantes et des attaques ad hominem contre les personnes d’ascendance africaine ». « Le rapport cite des preuves douteuses pour faire des affirmations qui rationalisent la suprématie blanche en utilisant les arguments familiers qui ont toujours justifié la hiérarchie raciale », dénonce le Groupe de travail d’experts onusiens.
A ce sujet, il rappelle tout ce travail ou toute autre analyse du racisme institutionnel menée par les experts internationaux des droits de l’homme, y compris l’examen en 2012 du Groupe de travail après sa visite dans le pays. Il y a aussi les observations finales de 2016 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), et le document du Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, après sa visite dans le pays en 2018.
« Les racines de ces disparités se trouvent dans le racisme institutionnel »
« Sans exception, ces rapports ont mis en évidence l’impact néfaste du racisme institutionnel et des inégalités profondément ancrées dans des domaines tels que la santé, l’éducation, l’emploi, le logement, les pratiques d’interpellation et de fouille, et le système de justice pénale au Royaume-Uni », ont fait remarquer les experts.
« Si les disparités raciales ne découlent pas toujours du racisme ou de la discrimination raciale, il existe également des preuves irréfutables que les racines de ces disparités se trouvent dans le racisme institutionnel et la discrimination structurelle », ont-ils ajouté.
« Trop souvent, ces décisions reflètent des mentalités héritées de la hiérarchie raciale », font valoir les experts, déplorant ces « nombreuses disparités raciales au Royaume-Uni reflètent clairement des nœuds spécifiques de pouvoir et de prise de décision par les employeurs, les enseignants et d’autres personnes qui dictent les opportunités et les avantages offerts aux personnes d’ascendance africaine ».
En d’autres termes, le racisme institutionnel, l’invisibilité structurelle et les inégalités de longue date ont eu un impact disproportionné sur les personnes d’ascendance africaine vivant au Royaume-Uni.
« Une tentative délibérée de déformation de l’histoire »
« Par conséquent, la suggestion selon laquelle la structure familiale, plutôt que les pratiques discriminatoires institutionnalisées et structurelles, est la caractéristique centrale de l’expérience noire est une tentative de rejeter les réalités vécues par les personnes d’ascendance africaine et les autres minorités ethniques au Royaume-Uni », souligne le Groupe d’Experts onusiens.
Enfin, selon les experts, la représentation mythique de l’esclavage dans le rapport est une tentative d’aseptiser l’histoire du commerce des Africains réduits en esclavage. « Chercher à passer sous silence le rôle brutal des esclavagistes, la richesse abrutissante qu’ils ont accumulée au fil des générations, ainsi que le capital social et l’influence politique qu’ils ont tirés de l’exploitation des corps noirs est une tentative délibérée de déformation de l’histoire », a affirmé le Groupe de travail.
Plus largement, les experts indépendants onusiens ont exhorté Londres à « rejeter catégoriquement les conclusions du rapport, étant donné sa propre reconnaissance du racisme institutionnel devant le CERD en 2016 ».
« Nous exhortons le gouvernement à assurer le reflet exact des faits historiques en ce qui concerne les tragédies et les atrocités passées, en particulier l’esclavage, le commerce des Africains réduits en esclavage et le colonialisme », ont insisté les experts, relevant que « la déformation et la falsification de ces faits historiques peuvent favoriser le racisme, la promotion de stéréotypes raciaux négatifs et la discrimination raciale ».
*Les experts : Mme Dominique Day (Présidente) ; M. Ahmed Reid ; M. Michal Balcerzak ; M. Sabelo Gumedze ; M. Ricardo A. Sunga III ; Groupe de travail d’experts des personnes d’ascendance africaine.
Ce communiqué a également été approuvé par Mme E. Tendayi Achiume, Rapporteure spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.
ONU Info