UNRWA/Mohamed Hinnawi
Un bâtiment endommagé par une frappe aérienne israélienne dans la ville de Gaza.

Les frappes aériennes israéliennes sur Gaza pourraient constituer des « crimes de guerre » s’il était démontré qu’elles étaient disproportionnées, a déclaré, jeudi, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, relevant qu’elle n’a pas reçu de preuve sur l’utilisation à des fins militaires des bâtiments palestiniens visés.

« S’il s’avère que l’impact sur les civils et les objets civils est indiscriminé et disproportionné, ces attaques peuvent constituer un crime de guerre », a déclaré la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, à l’ouverture d’une réunion extraordinaire du Conseil des droits de l’homme sur ces « événements effroyables ».

« Nous avons récemment assisté à la plus importante escalade des hostilités depuis 2014 », a dit Mme Bachelet aux 47 Etats membres du Conseil.

Bien qu’Israël ait pris un certain nombre de précautions, telles que l’avertissement préalable des attaques dans certains cas, ces frappes aériennes dans des zones densément peuplées ont fait un grand nombre de morts et de blessés parmi les civils.

Ces frappes ont également entraîné une destruction généralisée d’infrastructures civiles. Il s’agit notamment de «bâtiments gouvernementaux, de maisons et immeubles résidentiels, d’organisations humanitaires internationales, d’installations médicales, de bureaux de médias et de routes permettant aux civils d’accéder à des services essentiels tels que les hôpitaux», a précisé la Haut-Commissaire. Le résultat a été leur destruction partielle ou totale.

« Malgré les affirmations d’Israël selon lesquelles nombre de ces bâtiments accueillaient des groupes armés ou étaient utilisés à des fins militaires, nous n’avons pas vu de preuves à cet égard », a fait valoir Mme Bachelet.

« Israël a le droit de défendre ses citoyens. Cependant, les Palestiniens ont aussi des droits »

Pour la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, « il ne fait aucun doute qu’Israël a le droit de défendre ses citoyens et ses résidents ».

« Cependant, les Palestiniens ont aussi des droits. Les mêmes droits », a rappelé Mme Bachelet. « Eux aussi ont le droit de vivre en sécurité et librement dans leurs maisons, avec des services et des opportunités adéquats et essentiels, et dans le respect de leur droit à la vie et à l’intégrité physique », a-t-elle insisté.

Contrairement aux civils israéliens, qui bénéficient de la protection du « Dôme de fer » et de forces militaires professionnelles, les civils palestiniens de Gaza n’ont pratiquement aucune protection contre les frappes aériennes et les opérations militaires menées dans l’une des régions les plus densément peuplées du monde. « Ils n’ont aucun endroit où s’échapper, en raison du blocus terrestre, aérien et maritime israélien qui est en place depuis 14 ans », a poursuivi la Haut-Commissaire.

Dans son réquisitoire, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU n’a pas épargné les groupes armés palestiniens. Elle a souligné que les tirs de roquettes lancés par le Hamas « sont aveugles et ne font pas de distinction entre les objets militaires et civils ».

« Et leur utilisation constitue donc une violation manifeste du droit humanitaire international », a-t-elle fait remarquer.

242 Palestiniens dont 63 enfants et 10 Israéliens tués

Les roquettes lancées par le Hamas et d’autres groupes palestiniens armés sur Israël ont tué 10 citoyens et résidents israéliens, dont deux enfants, et ont contraint des milliers de personnes à se réfugier dans des abris.

Selon les chiffres vérifiés par ses services, Mme Bachelet a estimé que 242 Palestiniens ont été tués par des frappes israéliennes dans la bande de Gaza, parmi lesquels 63 enfants ainsi que des combattants. Du 10 au 21 mai, des milliers d’autres ont été blessés et l’on estime que plus de 74.000 Palestiniens ont été déplacés. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, 28 Palestiniens, dont cinq enfants, ont été tués au 24 mai.

Par ailleurs, Mme Bachelet s’est inquiétée des « scènes sans précédent d’affrontements, de violence collective et d’émeutes entre des citoyens palestiniens d’Israël et des groupes d’ultra-droite, renforcés par des colons israéliens », notamment dans les villes mixtes de Bat-Yam, Jaffa et d’Acre. Elle s’est dit particulièrement préoccupée par les informations selon lesquelles « la police israélienne n’est pas intervenue pour protéger de manière adéquate les citoyens arabes israéliens.

Une ingénierie démographique pour créer des colonies israéliennes

La Haut-Commissaire a dit espérer « sincèrement que ce sera la dernière fois que le Conseil aura besoin d’une telle session spéciale ».

En écho aux propos de Mme Bachelet, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, Michael Lynk, a rappelé que les derniers événements à Gaza, à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, mais aussi en Israël, sont « une répétition calamiteuse » de ceux dont la communauté internationale a été témoin « en 2018, 2014, 2012, 2008-09, 2000, 1987 et toujours plus loin dans l’histoire tragique des Palestiniens ».

« Avec son regard compatissant sur l’humanité, Edward Saïd parlait de son peuple comme « les victimes des victimes », a dit M. Lynk, dans une déclaration faite au nom du comité de coordination des procédures spéciales du Haut-Commissariat.

« Maintenant que les derniers missiles et roquettes ont été tirés, et que les larmes des dernières funérailles sèchent lentement, la responsabilité doit figurer en tête de l’agenda international et de ce Conseil », a-t-il ajouté.

L’expert indépendant a regretté les méthodes d’occupation israéliennes du territoire palestinien. « Le gouvernement israélien et la municipalité de Jérusalem ont mis en place une ingénierie démographique pour créer des colonies israéliennes dans tout Jérusalem-Est annexée depuis 1967, afin de s’assurer que les faits sur le terrain établissent une revendication permanente et illégale de souveraineté », a-t-il expliqué.

Le résultat est qu’au fil des ans, « la réponse a été la défiance de la puissance occupante » malgré les appels des Nations Unies, a dit le Rapporteur spécial.

Plus généralement, Gaza a souvent été qualifiée de plus grande prison à ciel ouvert du monde, la puissance occupante ayant toute autorité pour déterminer qui et quoi entre et sort de la bande. « Il n’existe aucune autre situation comparable dans le monde moderne où une puissance étrangère a enfermé et mis à l’écart une communauté entière de personnes », a affirmé M. Lynk.

Pour Israël, chacune roquette du Hamas constitue un crime de guerre

Lors des débats au Conseil, l’Ambassadrice d’Israël auprès des Nations Unies à Genève, Meirav Eilon Shahar, a déclaré que le Hamas avait tiré plus de 4.400 roquettes sur des civils israéliens. Elle a également reproché aux groupes armés palestiniens « d’utiliser des civils palestiniens comme boucliers humains pour dissimuler ses roquettes ».

« Chacune de ces roquettes constitue un crime de guerre », a dit la diplomate israélienne.

La Palestine dénonce « l’occupation israélienne qui est la racine du problème »

De son côté, le Ministre des affaires étrangères palestinien, Riyad al-Maliki, a affirmé que « l’occupation israélienne est la racine du problème ».

« Israël, l’autorité d’occupation et d’apartheid poursuit ses crimes, ses politiques et ses lois pour consolider un système colonial et d’apartheid », a dit le chef de la diplomatie palestinienne.

Les 47 membres du Conseil des droits de l’homme devaient examiner un projet de résolution visant à lancer une vaste enquête internationale sur les violations entourant les dernières violences à Gaza, mais aussi sur les abus « systématiques » dans les territoires palestiniens et en Israël. Le projet de résolution prévoit une commission d’enquête internationale sur les violations des droits humains chargée d’identifier les responsables et de recueillir et de préserver des preuves.