La crise économique créée par la pandémie de Covid-19 devrait provoquer le chômage de plus de 200 millions de personnes dans le monde en 2022, les femmes et les jeunes travailleurs étant les plus touchés, a indiqué mercredi l’Organisation internationale du Travail (OIT).
Même si les pays du monde entier se sortent de la crise sanitaire, « Cinq années de progrès pour éradiquer la pauvreté au travail ont été anéanties », indique le rapport intitulé Emploi et questions sociales dans le monde : Tendances 2021, ajoutant que cela rendra encore plus inaccessible l’objectif de développement durable de l’ONU visant à éradiquer la pauvreté d’ici 2030.
« Nous avons régressé, nous avons beaucoup régressé », a déclaré le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder. « La pauvreté des travailleurs est revenue aux niveaux de 2015 ».
Les régions les plus touchées au cours du premier semestre 2021 ont été l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Europe et l’Asie centrale, toutes victimes d’une reprise inégale.
Elles ont vu les pertes d’heures de travail estimées dépasser 8% au premier trimestre et 6% au deuxième trimestre, soit bien plus que la moyenne mondiale de 4,8 et 4,4% respectivement.
Remise en cause du rôle des femmes
Les femmes ont été touchées de manière disproportionnée par la crise, puisqu’elles ont vu leur emploi chuter de 5% en 2020, contre 3,9% pour les hommes.
« Une plus grande proportion de femmes est également sortie du marché du travail, devenant inactives », a indiqué l’OIT, notant que des responsabilités supplémentaires à assumer au sein du foyer en raison des mesures de confinement ont aussi créé le risque de revenir à une vision ‘traditionnelle’ de la répartition des rôles entre hommes et femmes.
L’emploi des jeunes a également continué à souffrir du ralentissement économique, chutant de 8,7% en 2020, contre 3,7% pour les adultes.
La chute la plus prononcée a été enregistrée dans les pays à revenu intermédiaire où « les conséquences de ce retard et les perturbations qui ont freiné la participation précoce au marché du travail pourraient se faire sentir pendant des années », a averti l’OIT.
3,20 dollars par jour
Les perturbations liées à la pandémie ont également entraîné des conséquences catastrophiques pour les deux milliards de travailleurs du secteur informel dans le monde.
Par rapport à 2019, 108 millions de travailleurs supplémentaires dans le monde sont désormais considérés comme vivant dans la pauvreté ou dans l’extrême pauvreté. Cela signifie qu’ils vivent, ainsi que leurs familles, avec l’équivalent de moins de 3,20 dollars par personne et par jour.
« Si des signes de reprise économique apparaissent avec la montée en puissance des campagnes de vaccination, la reprise sera probablement inégale et fragile », a déclaré M. Ryder, « en raison des inégalités pour accéder au vaccin et de la capacité limitée de la plupart des économies émergentes et en développement à prendre des mesures fortes de relance budgétaire ».
De plus, la qualité des nouveaux emplois créés dans ces pays est susceptible de se détériorer.
Le rapport de l’OIT a également prévu une augmentation du ‘déficit d’emplois’ de 75 millions en 2021, qui devrait tomber à 23 millions en 2022.
La baisse connexe du nombre d’heures de travail, qui tient compte du déficit d’emplois et de ceux qui travaillent moins, représente l’équivalent de 100 millions d’emplois à temps plein en 2021 et 26 millions en 2022.
Le rapport indique que ce déficit d’emploi et d’heures de travail vient s’ajouter à des niveaux de chômage, de sous-utilisation de la main-d’œuvre et de mauvaises conditions de travail qui restent élevés avant la crise.
Des emplois décents sont essentiels
« La reprise d’après Covid-19 n’est pas seulement un problème sanitaire. Les dommages graves infligés à l’économie et à la société doivent également être surmontés », indique le Directeur général de l’OIT.
« Sans un effort délibéré pour accélérer les créations d’emplois décents, pour soutenir les personnes les plus vulnérables au sein de la société et pour aboutir à une reprise dans les secteurs économiques les plus touchés, les effets persistants de la pandémie pourraient perdurer sous la forme d’une perte de potentiel humain et économique et d’une augmentation de la pauvreté et des inégalités », avertit Guy Ryder, soulignant la nécessité d’une stratégie complète et coordonnée, basée sur des politiques centrées sur l’humain, soutenue par des actes et par des financements.
« Une vraie reprise ne peut se faire sans une reprise des emplois décents », a-t-il conclu.
ONU Info