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Les travailleurs domestiques se battent pour être reconnus comme des travailleurs et des prestataires de services essentiels.

À l’occasion du dixième anniversaire de l’adoption de la Convention sur les travailleurs domestiques, la pandémie de Covid-19 a mis en évidence leur vulnérabilité persistante sur le marché du travail.

Les travailleurs domestiques dans le monde ont été parmi les plus durement touchés par la crise de la Covid-19, ayant perdu plus d’emplois et d’heures de travail que les autres secteurs, a déclaré mardi l’OIT, l’Organisation internationale du Travail.

Dix ans après l’adoption de la Convention sur les travailleurs domestiques qui réaffirmait l’existence de leurs droits au travail, le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder, a insisté sur le fait que, malgré de réels progrès en matière de législation du travail et de sécurité sociale dans certains pays, dans de très nombreux cas, ces prestataires de services essentiels n’ont jamais été autant vulnérables.

« Ces travailleurs ont perdu leur emploi en plus grand nombre ou ont vu leurs heures de travail réduites dans des proportions plus importantes que d’autres parties de la main-d’œuvre », a noté M. Ryder.

Des données de l’OIT montrent que le nombre de travailleurs domestiques au deuxième trimestre 2020 a chuté de 25 à 50% dans la plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes et de 70% au Pérou par rapport aux niveaux d’avant la pandémie.

La plupart des pays européens, ainsi que le Canada et l’Afrique du Sud, ont vu les pertes d’emplois parmi les travailleurs domestiques varier de 5 à 20%.

« Dans l’ensemble, ces pertes ont entraîné une diminution de 50% du nombre total d’heures de travail pour le secteur, dans les 13 des 20 pays étudiés », a poursuivi M. Ryder, avant de souligner l’impact disproportionné de la crise sur les travailleurs domestiques.

ONU Femmes/Staton Winter À Singapour, une employée de maison indonésienne prépare le repas dans la cuisine de son employeur après une sortie matinale à l’épicerie.
Huit travailleurs domestiques sur dix sont des travailleurs informels 

« Les pays doivent agir, car huit travailleurs domestiques sur dix sont employés de manière informelle et ne bénéficient donc d’aucune protection juridique et sociale », a souligné le chef de l’OIT. « Leurs vulnérabilités sont amplifiées, car beaucoup d’entre eux subissent de mauvaises conditions de travail et n’ont nulle part où aller ».

« Leur statut à l’intérieur du pays peut être remis en question s’ils perdent leur emploi et beaucoup de travailleurs domestiques vivent chez leurs employés », a-t-il indiqué. « Ils peuvent donc perdre leur logement s’ils perdent aussi leur emploi. Donc, derrière ces chiffres, il y a une sorte d’impact humain plus profond qui accentue encore plus la souffrance impliquée dans l’impact économique latent de la pandémie de Covid ».

Au Brésil, qui est le deuxième employeur de travailleurs domestiques au monde, près de sept employés sur dix travaillent de manière informelle, soit le double de la moyenne nationale.

Cela signifie que « lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé, moins de 40% des travailleurs domestiques avaient un accès effectif à la sécurité sociale liée à leur emploi », a déclaré Claire Hobden, co-auteur du rapport du BIT.

« Compte tenu de cet impact, la nécessité de formaliser le travail domestique au Brésil est extrêmement urgente », a-t-elle soutenu, notant les efforts encourageants de travailleurs domestiques et d’employeurs qui fixent des normes de travail très différentes à Sao Paulo dont les autres pourraient s’inspirer, afin de promouvoir une reprise qui se concentre sur les personnes les plus à risque de la société après la pandémie.

Selon les chiffres contenus dans le rapport, 75,6 millions de travailleuses et travailleurs domestiques à travers le monde, soit environ une personne sur 25 salariés dans le monde, ont souffert de manière significative, ce qui, par ricochet, a également affecté les foyers qui dépendent de ces personnes pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Un peu plus des trois quarts sont des femmes.

Par sexe, c’est en Amérique latine et dans les Caraïbes que l’on trouve le plus grand nombre de travailleuses domestiques (91% et 89% respectivement).

Le travail domestique demeure un secteur essentiellement féminin, employant 57,7 millions de femmes qui représentent plus de 76% des travailleurs domestiques. Et si les femmes constituent la majorité de la main-d’œuvre en Europe, en Asie centrale et dans les Amériques, en revanche, les travailleurs domestiques masculins sont plus nombreux que leurs homologues féminins dans les pays arabes (63%) et en Afrique du Nord. En Asie du Sud, la répartition est relativement égale.

OIT Les travailleuses domestiques participent à une manifestation pour les droits des travailleurs. (fichier)

Une convention acceptée

Depuis l’adoption de la convention historique de 2011 sur les travailleurs domestiques, 32 des 187 États membres de l’OIT l’ont ratifiée à ce jour. M. Ryder s’est félicité du fait que 16% de travailleurs supplémentaires étaient désormais couverts par la protection du droit du travail.

Néanmoins, 36% du secteur reste totalement exclu de cette législation, a indiqué l’OIT, notant qu’en Asie-Pacifique et dans les pays arabes, les écarts sont les plus importants.

L’agence onusienne a également averti que même lorsque les travailleurs domestiques sont couverts par des lois sur le travail et la protection sociale, la question de leur mise en œuvre est une source importante d’exclusion et de travail informel.

Selon le rapport, seul un travailleur domestique sur cinq bénéficie d’une couverture sociale effective liée à son travail.

Une portée plus large

« Il est important que davantage de pays renforcent les droits des travailleurs domestiques, car ils constituent un élément clé de l’économie au sens large », a affirmé M. Ryder.

« Les travailleurs domestiques sont un élément essentiel de l’infrastructure économique qui permet aux ménages de répondre à leurs besoins », a-t-il déclaré. « Les travailleurs domestiques aident également leurs employés, et en particulier les femmes, à rester sur le marché du travail. Et cela profite à tous, quel que soit notre domaine de travail, ou notre lieu de résidence ».

« Et alors que nous travaillons à l’élaboration de politiques susceptibles de créer une reprise durable et équitable après la crise de la Covid-19, nous devons veiller à ce que les travailleurs domestiques ne soient pas laissés pour compte, bien au contraire ; ils doivent bénéficier des mêmes conditions de travail que les autres catégories de travailleurs ».

ONU Info