A PROPOS DE L’ORGANE COMPÉTENT POUR DÉFINIR LA DURÉE DE LA TRANSITION : petite contribution au débat sur l’article 77 de la Charte avec l’esprit du doute dans l’interprétation des textes

Suivant l’article 77 de la Charte guinéenne de la transition, « La durée de la transition sera fixée de commun accord entre les forces vives de la Nation ».

SUR LES PARTIES VISÉES À L’ARTICLE 77.

➢ La composition du CNT – suivant l’article 60 de la Charte – notamment de représentants de partis politiques, d’organisations de la société civile, d’organisations patronales, d’organisations syndicales fait qu’il ne peut pas être contesté que cet organe (CNT) soit constitué des forces vives de la Nation.

➢ Ce CNT n’est pas seulement constitué des Forces vives, il l’est également de Forces de défense et de sécurité.

➢ Or, les événements importants de la vie politique guinéenne durant les années 2006 à 2010 enseignent que les Forces de défense et de sécurité ne relèvent pas de la catégorie qualifiée de « forces vives de la nation ».

➢ Dans l’imprécision du texte, il y a ainsi, dans la composition du CNT DEUX PARTIES PRINCIPALES SUSCEPTIBLES d’être considérées comme visées par l’article 77 (forces vives de la Nation et POTENTIELS membres du CNRD).

➢ Car, si le texte ne dit pas que ces Forces de défense et de sécurité sont des membres du CNRD. Il ne l’interdit pas.

➢ Rien ne s’oppose ainsi à ce que soient nommés au CNT, les membres du CNRD au compte des forces de défense et de sécurité visées à l’article 60.

➢ Cette hypothèse est confortée par le fait que le CNT est un organe délibérant de caractère parlementaire investi, dans ce contexte transitoire, de missions éminemment importantes dont l’accomplissement efficace participe à la détermination du succès de la transition. Il s’agit notamment de la fonction législative et surtout de la mission CONSTITUANTE du CNT pour lesquelles le CNRD a besoin de faire passer sa conception des institutions avec celle des « Forces vives de la nation ».

➢ Il n’est d’ailleurs pas impertinent de supposer que les « PERSONNES RESSOURCES » visées à l’article 60 aient été prévues en vue veiller à la conciliation des visions des Forces vives de la Nation et du CNRD « organe central de définition et d’orientation stratégique » (art. 57) dans la réalisation de l’objectif de « refondation des institutions ».

SUR LE CADRE DE DÉFINITION DE LA DURÉE DE COMMUN ACCORD

L’article 77 de la Charte ne fixe pas le cadre des rencontres et des échanges nécessaires à la détermination de la durée de la transition par les forces vives et le CNRD ;

➢ Ce cadre peut donc être INSTITUTIONNEL ou INFORMEL

➢ En conséquence, la durée de la transition PEUT être définie dans un cadre INFORMEL à l’occasion de concertations (comme au début de la transition) DIRECTEMENT entre les « forces vives de la Nation et le CNRD ou, au moins, son président ».

➢ Mais cette durée PEUT également être définie dans un cadre INSTITUTIONNEL tel que le CNT.

➢ Pourvu que dans ce second cas, les deux parties citées par l’article 77 de la Charte – FORCES VIVES DE LA NATION ET CNRD – soient REPRÉSENTÉES ;

➢ Or, si la Charte ne prévoit pas explicitement la faculté pour le CNRD de se faire représenter dans l’exercice de certaines de ses missions par une personne autre que son Président, elle ne la prohibe pas. Nul besoin, sur ce point, de relever que le Président du CNRD n’est pas et n’a pas vocation à être le CNRD. Au surplus, non seulement il ne peut être que son représentant en tant que président, mais il ne peut pas être considéré comme son exclusif représentant.

En conséquence, le CNT ne serait, sous l’empire de la Charte, incompétent pour définir la durée de la transition sur le fondement de l’article 77 (qui cite le CNRD et les forces vives) qu’à certaines conditions :

  1. Qu’il soit interdit que « les forces de défense et de sécurité » devant être désignées au CNT sur le fondement de l’article 60 puissent être des membres du CNRD. Or, il n’en est rien. Car, sur le principe, l’article 37.3 relève que le CNRD est composé des forces de défense et de sécurité. Ces forces PEUVENT donc bien être des membres du CNRD. Relevons, sur cet aspect, que si on ne connaît pas tous les membres du CNRD – ce qui pose un problème de transparence – on les connaîtra davantage après la composition du CNT.
  1. Que la Charte ait clairement indiqué que « les forces vives de la Nation » et le « CNRD » doivent définir la durée de commun accord « DANS UN CADRE INFORMEL ». Or, il n’en est rien.

En définitive :

➢ A défaut de n’avoir pu explicitement prévoir la durée de la transition (pour des raisons probablement dictées par le défaut de consensus qui susciterait ex post des révisions répétitives), la Charte aurait simplement pu EXPLICITEMENT indiquer le cadre de définition de la durée de la transition pour davantage de clarté.

➢ L’inexistence d’une telle référence explicite confère ainsi au texte un caractère flou.

➢ Or, de droit constant, l’imprécision sémantique, l’ambiguïté conceptuelle, le flou, le vide se concilient moins avec une interprétation exclusive ou péremptoire a fortiori lorsqu’il s’agit d’interprètes non authentiques. Si on peut ainsi reprocher à la Charte un défaut de clarté sur cet aspect, rien dans ses prescriptions ne s’oppose à ce que le CNT soit de jure en droit de définir la durée de la transition.

➢ Dès lors, le vrai problème en lien avec la définition de la durée de la transition tient davantage à la capacité du CNRD et des Forces vives de la nation – quel que soit le cadre – à s’entendre sur une DURÉE RAISONNABLE qu’il ne repose sur une quelconque exigence pour des ORGANES prétendument clairement compétents pour la déterminer exclusivement.

Jean Paul KOTEMBEDOUNO