Moins de la moitié des pays africains ont enregistré une croissance inclusive au cours des 20 dernières années, laissant 34% des ménages sur le continent vivant en dessous du seuil de pauvreté (1,9 dollar par jour), a souligné mercredi une nouvelle étude de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), relevant que la croissance inclusive est hors de portée pour la plupart des pays africains.

Selon le nouveau Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique de la CNUCED, la croissance sans précédent de l’Afrique dans les années 2000 ne s’est pas traduite par « une amélioration significative des moyens de subsistance de la plupart des Africains ». En effet, l’écart de revenu entre les riches et les pauvres s’est creusé.

Environ 40% de la richesse totale de l’Afrique est détenue par un petit nombre de personnes parmi les plus fortunées, qui représentent approximativement 0,0001% de la population. Le fossé entre riches et pauvres s’est ainsi élargi dans la plupart des pays d’Afrique, deuxième continent le plus inégalitaire.

Une croissance inclusive dans 17 pays africains

Le taux de pauvreté a augmenté de 2,7% en 2020 en raison de la pandémie. « Le continent abrite toujours la majorité des pauvres de la planète », a précisé la CNUCED, relevant que « les inégalités déjà profondes continuent de se creuser ».

« La pauvreté et les inégalités ne sont pas inéluctables. Elles sont le produit de choix politiques et de politiques publiques. Ce rapport aidera les gouvernements africains et les partenaires de développement à mieux tirer parti de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pour lutter à la fois contre la pauvreté et les inégalités », a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED.

Selon la CNUCED, la pandémie de Covid-19 a exacerbé les inégalités et les vulnérabilités des groupes marginalisés, de sorte que 37 millions de personnes supplémentaires en Afrique subsaharienne vivent dans l’extrême pauvreté (au seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour).

Mais c’est dans la Communauté économique des États de l’Afrique centrale que le taux de pauvreté est le plus élevé alors qu’il est le plus bas dans l’Union du Maghreb arabe.

Finalement, la croissance n’a été inclusive que dans 17 des 49 pays africains pour lesquels des données suffisantes sur les ménages entre 2000 et 2020 sont disponibles. Dans 18 pays africains, la croissance économique a permis de réduire la pauvreté, mais avec une hausse des inégalités, a souligné la CNUCED.

Les femmes commerçantes en Tanzanie aident à doper la croissance économique mais sont toujours confrontées aux inégalités.
Photo CNUCED Les femmes commerçantes en Tanzanie aident à doper la croissance économique mais sont toujours confrontées aux inégalités.

La proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 40% en 2010 à 34% en 2018

La croissance n’a pas été inclusive dans 14 pays. Pour l’agence onusienne, ce constat soulève la question clé de savoir « comment la croissance économique grâce à l’intégration régionale peut contribuer à la réduction de la pauvreté et favoriser le développement inclusif, un objectif principal de l’Agenda 2063 ».

Entre 2010 et 2019, le produit intérieur brut (PIB) réel par habitant en Afrique a augmenté de 0,25%, avec des variations régionales. Ainsi, si le taux de pauvreté a augmenté de 2,7% en 2020 en raison de la pandémie, il a globalement diminué au cours de la période 2010-2018. La proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 40,2% en 2010 à 34,4% en 2018 pour les personnes dont le revenu ou la consommation est inférieur à 1,9 dollar par jour.

Plus largement, la CNUCED estime que « les taux de pauvreté ont diminué en Afrique, mais il reste encore beaucoup à faire pour réduire l’inégalité ». « L’amélioration des résultats économiques, en plus de réduire la pauvreté et l’inégalité, devrait aussi se traduire par des progrès en matière de développement humain, une baisse du taux de chômage, une plus grande égalité des sexes et une meilleure protection de l’environnement », a fait valoir l’agence onusienne.

Face à cette situation, la CNUCED estime que le commerce intra-africain peut créer une croissance inclusive. Il est actuellement faible à 14,4% du total des exportations africaines, alors que le potentiel d’exportation inexploité actuel du continent est estimé à près de 22 milliards de dollars, soit l’équivalent de 43% des exportations intra-africaines.

La ZLECAf pour limiter la hausse de la pauvreté et des inégalités

La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait ainsi limiter la contraction de la croissance due à la pandémie de Covid-19, la hausse de la pauvreté et des inégalités et stimuler une croissance durable et inclusive sur le continent si des mesures de soutien plus fortes ciblant les femmes, les jeunes commerçants et les petites entreprises sont mises en œuvre.

« La ZLECAf a un immense potentiel pour stimuler la croissance économique et transformer les perspectives de développement du continent si des mesures supplémentaires sont prises pour réaliser ses nombreux avantages potentiels » a ajouté Mme Grynspan.

Le rapport souligne que lorsqu’on considère le commerce transfrontalier informel, l’Afrique enregistre un commerce intrarégional plus élevé, en particulier dans l’agriculture. Le commerce transfrontalier informel peut représenter jusqu’à 90 % des flux commerciaux officiels dans certains pays et contribuer jusqu’à 40 % du commerce total au sein des communautés économiques régionales telles que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et le Marché commun de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA).

Pour libérer ce potentiel, diverses barrières non tarifaires intra-africaines, y compris des mesures non tarifaires coûteuses, des lacunes en matière d’infrastructure et d’informations sur le marché, doivent être levées et comblées.  « Des mesures complémentaires visant à aider les femmes et les jeunes qui participent au commerce, les petites entreprises et les pays les moins avancés africains doivent être prises pour rendre la Zone de libre-échange plus inclusive » a conclu Wamkele Mene, Secrétaire générale du Secrétariat de la ZLECAf.

ONU Info