Quelques mots sur la nouvelle dénomination de l’Aéroport de Conakry
Par un acte du Président de la Transition en date du 16 Décembre 2021, l’Aéroport de Conakry a été dénommé « Aéroport International Ahmed Sékou Touré de Conakry ».
Sur l’opportunité de la mesure, les avis sont partagés. Certains approuvent la mesure du Président de la Transition. D’autres la désapprouvent.
Sur sa légalité, personne ne semble s’en être publiquement posé la question. C’est donc cet aspect de la question que je souhaite aborder ici.
Qui a le pouvoir de dénomination des biens du domaine public en Guinée ?
Au niveau de l’Etat, il faut distinguer suivant que nous sommes en période normale ou en période de transition.
En période normale, depuis 1990, nous avons l’habitude de nous doter de constitutions d’inspiration française. Dans la loi fondamentale de 1990 et dans les constitutions de 2010 et de 2020, il existe une délimitation du pouvoir législatif et donc aussi du pouvoir réglementaire. En d’autres termes, une disposition de la constitution liste les matières qui relèvent de la loi et donc de la compétence de l’Assemblée nationale ; et une autre disposition attribue au pouvoir réglementaire tout ce qui ne relève pas de la compétence de l’Assemblée nationale.
Dans les trois dernières constitutions de la Guinée, la dénomination des lieux publics ou des espaces publics ou plus généralement des biens du domaine public de l’Etat ne fait pas partie des matières qui relèvent du domaine de la loi et donc de la compétence de l’Assemblée nationale. La conséquence que l’on en tire est que la dénomination des lieux publics est une matière réglementaire et donc qu’elle relève du domaine du décret du président de la République.
Mais puisque nous sommes en période de transition, qui a effectivement le pouvoir de dénomination des lieux publics ?
Contrairement aux trois dernières constitutions, la Charte de la Transition n’a délimité, ni le domaine de la loi, ni celui du règlement. En d’autres termes, le CNT, en tant qu’organe législatif a un domaine de compétence illimité. Paradoxalement, le pouvoir réglementaire attribué par l’article 38 de la Charte de la Transition au Président de la Transition est lui aussi illimité. De fait, nous nous retrouvons présentement face à deux pouvoirs normatifs concurrents. Espérons que cet état de fait ne finira pas par engendrer une « crise constitutionnelle ».
Subséquemment, et sous réserve de l’avis contraire de la Cour suprême, juridiction constitutionnelle de Transition, l. De la même façon que le Président de la Transition peut prendre un décret pour dénommer un lieu, le CNT a le pouvoir de prendre une loi pour dénommer un lieu. Cette situation n’est pas souhaitable.
Au niveau des collectivités locales, il semble que la question n’a pas été réglée par la loi. En France, le pouvoir de dénomination des rues appartient au Conseil municipal.
S.O.CAMARA