« 35ème Sommet de l’Union africaine et gouvernance en Afrique : l’UA doit agir face à la récurrence des coups d’État militaires et garantir la restauration de pouvoirs civils fondés sur le respect des droits humains, de l’État de droit et la gouvernance démocratique. »
Dakar, Bamako, Abidjan, Nairobi, Paris – le 4 février 2022. Au lendemain de la tentative de coup d’État en Guinée Bissau, lors de laquelle 11 personnes, dont 4 civils ont trouvé la mort, et alors que l’Union africaine (UA) s’apprête à ouvrir son 35ème Sommet, la FIDH et ses organisations membres appellent à la condamnation ferme de la systématisation des coups d’État militaires en Afrique et à œuvrer pour l’identification de solutions adaptées pour garantir le respect des droits humains, de l’État de droit, et des principes démocratiques.
Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, au soir du coup d’État, les représentants du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) ont annoncé la démission forcée du Président Roch Marc Christian Kaboré, la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale, ainsi que la suspension de la Constitution. Plus de 10 jours après, Roch Marc Christian Kaboré, toujours gardé en résidence surveillée a pu rencontrer la mission de la CEDEAO et de l’ONU en visite dans le pays le 31 janvier 2022. À ce jour aucune information n’a été donnée sur les motifs et les délais de cette détention. L’ancien président de l’Assemblée nationale Alassane Bala Sakande ainsi que les membres du gouvernement déchu sont contraints de rester sur le territoire de la ville de Ouagadougou. La FIDH et le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) appellent au respect des libertés fondamentales de tous, y compris de la liberté de circulation des membres de l’ancien régime.
Pendant cette mission politique de la CEDEAO et de l’ONU, le MPSR a annoncé, le rétablissement de la Constitution burkinabè dans le cadre de l’adoption d’un Acte fondamental publié le 31 janvier 2022. Tout en attribuant les pleins pouvoirs à la junte, l‘Acte indique « la continuité de l’État en attendant la mise en place des organes de transition » au Burkina Faso. Il reprend également les dispositions de la Constitution burkinabè de 1991 affirmant les droits et libertés fondamentales des citoyens, telles que « le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne » (Article 1), que le MPSR s’est engagé à respecter.
Dans le contexte de crise sécuritaire et humanitaire qui prévaut au Burkina Faso, la FIDH et le MBDHP appellent à la plus grande vigilance face aux conséquences éventuelles de la décision de fermeture des frontières terrestres et aériennes du Burkina Faso. Malgré la réouverture de l’espace aérien, une coalition d’organisations humanitaires a souligné les difficultés d’accès aux zones reculées du pays aux avions humanitaires. La FIDH et le MBDHP appellent le MPSR à garantir l’accès et le soutien effectif aux populations vulnérables.
« Nous notons le rétablissement partiel de la Constitution et des institutions burkinabè dans le cadre de l’Acte fondamental pris par le MPSR. Néanmoins, nous exigeons un retour à la vie constitutionnelle normale comme préalable à l’ouverture de la période de transition, et rappelons au MPSR son obligation de respecter les engagements régionaux et internationaux dans le domaine des droits humains et des Peuples que le Burkina Faso a signé et ratifié, notamment son obligation de protéger les populations civiles. La proposition rapide du calendrier raisonnable annoncé, le transfert du pouvoir à des civils, ainsi que la libération du président Kaboré et des autres personnes détenues constitueraient des signaux importants pour assurer que le respect de l’État de droit demeure une priorité pendant cette période de transition », a déclaré Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP.
La FIDH et ses organisations membres sont profondément préoccupées par la détérioration des contextes politiques et sécuritaires en Afrique. Tandis que de plus en plus de pays sont touchés ou menacés par la spirale des violences terroristes, communautaires, et liées à la lutte contre le terrorisme, plusieurs États n’ont pas su répondre aux demandes légitimes des populations, notamment en matière de protection des civils, de justice, de lutte contre l’impunité, mais également de lutte contre la corruption, de transparence, de redistribution sociale et de développement. Face à ces situations délétères, les États doivent faire de la promotion et de la protection des droits humains des principes intangibles.
Au Soudan, le général Burhan, à la tête du conseil souverain, a proclamé le 25 octobre 2021 la dissolution des instances gouvernementales, la suspension des articles clés de la Charte constitutionnelle pour la période de transition, adoptée en 2019 et approuvée par le Conseil militaire, mettant de facto fin aux accords en faveur d’une transition civile. Alors que la rue s’exprime depuis plusieurs mois, mue par un désir de démocratie, et forte de ses demandes de liberté, de paix et de justice, les services de sécurité répriment violemment les manifestations en tirant à balles réelles à l’encontre des civils. Plus de 79 personnes ont été tuées depuis le coup d’État, près de 2.000 autres ont été blessées et des cas de violences sexuelles ont été recensés tandis que les centres médicaux, les hôpitaux mais aussi les journalistes et les médias sont pris pour cible par les autorités. Les détentions arbitraires de défenseurs des droits humains, avocats et activistes pro-démocratie quant à elles se poursuivent.
La FIDH et ses organisations membres soudanaises, l’African Centre for Justice and Peace Studies (ACJPS) et le Sudan Human Rights Monitor (SHRM), condamnent fermement la répression violente et disproportionnée menée par les forces armées soudanaises (SAF), les forces de soutien rapide (RSF) et les forces de police et demandent aux partenaires internationaux et institutions internationales d’appeler les autorités militaires soudanaises à mettre fin sans équivoque aux violences, à libérer immédiatement et inconditionnellement tous les défenseurs des droits humains, avocats, journalistes et activistes détenus arbitrairement, et à respecter le droit des personnes à se réunir pacifiquement, à s’associer et à s’exprimer librement, y compris dans les médias et en ligne. L’intensification des violences au Darfour, et ce malgré la signature des accords de Juba est particulièrement préoccupante. La mission intégrée des Nations unies d’assistance à la transition au Soudan (UNITAMS) a confirmé la résurgence des attaques contre des civils dans le nord et l’ouest du Darfour, souvent commises dans le cadre de combats intercommunautaires, et a alerté sur la fragilité de la situation sécuritaire dans l’état du Nil Bleu et les états du Kordofan.
La FIDH, l’ACJPS et SHRM interpellent les partenaires internationaux et les institutions internationales, au premier rang desquelles l’UA et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), sur la nécessité de répondre aux attentes de la population civile, de renforcer la coordination de leurs efforts en faveur du rétablissement d’une transition civile pacifique et de s’engager pour accélérer le rythme de la mise en œuvre des dispositions de l’accord de paix de Juba. La FIDH et ses organisations membres insistent également sur la nécessité de poursuivre les auteurs de graves violations des droits humains, notamment commises par les forces de sécurité, que ce soit pour les crimes commis sous le régime de l’ancien président Béchir, mais aussi des crimes commis pendant la période de transition, notamment lors du massacre du 3 juin 2019, et depuis le coup du 25 octobre 2021.
« La FIDH et ses organisations membres interpellent l’Union africaine pour lutter contre l’impunité des violations des droits humains commises depuis le 25 octobre 2021 au Soudan. L’UA doit envoyer un signal fort en faveur de la justice pour les victimes en mettant en place une mission d’enquête indépendante sur les violations des droits humains documentées et dénoncées sans relâche par la société civile soudanaise », a déclaré Sheila Muwanga Nabachwa, vice-présidente de la FIDH.
Source: FIDH