Cellou Dalein Diallo

Accusé de « détournement de deniers publics, corruption et enrichissement illicite » dans le dossier Air Guinée, l’opposant Cellou Diallo décide de passer à une vitesse supérieure contre les magistrats de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF).

Ses avocats ont porté plainte contre Mohamed Bama CAMARA et Aly TOURE pour « faute ou insuffisance professionnelle.

Lisez plutôt :

« Monsieur Cellou Dalein DIALLO nous confie un dossier qui laisse apparaître que, dans la procédure engagée contre lui par la CRIEF, les délais et formalités prévus par le Code de procédure pénale, notamment en son article 144, n’ont pas été observés par le Président de la Chambre de l’Instruction qui a signé les deux convocations.

De même, l’examen sommaire des éléments de fait et de droit du dossier laisse également apparaître un manquement grave à l’obligation d’exactitude et d’impartialité du Procureur spécial dans l’ouverture de l’information judiciaire et le choix des accusations portées contre lui », mentionne les avocats de Cellou Dalein Diallo.

Dans la plainte qu’ils ont adressé, ce lundi 25 juillet 2022, à Charles Alphonse Wright ‘’MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE L’HOMME, GARDE DES SCEAUX ET VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE (CSM)’’Maitre Amadou Diallo et maitre Paul Yomba Kourouma expriment une crainte.

« Il est à craindre que l’insuffisance professionnelle ou la faute professionnelle observée, dans le traitement de ce dossier Air Guinée, ne puisse pas permettre à Monsieur Cellou Dalein DIALLO d’avoir droit à un procès juste et équitable devant ces Magistrats, car d’ores et déjà, il y a eu une atteinte grave à son honneur et à son droit à la présomption d’innocence », écrivent-ils.

Résumé des éléments de faits et de droit

Le 15 février 2022, le Procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) a, sur la base de ce rapport d’Audit non contradictoire, annoncé l’ouverture d’une information judiciaire dans le dossier de la vente des actifs de l’ancienne Air-Guinée contre :

1 – Monsieur Cellou Dalein DIALLO, Ministre des Transports et des Travaux publics en fonction au moment de ladite cession ;

2 – Monsieur Cheick Amadou CAMARA, Ministre de l’Économie et des Finances en fonction à l’époque ;

3 – Monsieur Ibrahima CAMARA, Directeur de l’Unité de privatisation relevant du Ministère de l’Économie et des Finances en fonction à l’époque ;

4 – Monsieur Mamadou Sylla, Opérateur économique.

Dans une publication de Africaguinee.com parue le 15 février 2022 à 22 h 4 mn, le Procureur Aly TOURE a déclaré : « Dans la cession d’Air-Guinée, ces cadres de l’État et opérateurs économiques ont commis des infractions graves à la loi pénale ». Il ajoute : « Après analyse du rapport d’Audit, le parquet a requis l’ouverture d’une information pour les faits de malversation dans la passation des marchés publics, corruption, enrichissement illicite, détournement de deniers publics, recel de biens et complicité ». Ce qui constitue, de toute évidence, une appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause et donc une violation de l’article 8 in fine du Code de procédure pénale.

Le 26 mai 2022, Maître Salifou BEAVOGUI, Avocat, a reçu de Maître Mama Moussa CONDE, Huissier de justice, la signification d’une convocation de la CRIEF en date du 24 mai 2022, intimant Monsieur Cellou Dalein DIALLO de se présenter le lundi 13 juin 2022 à 10 heures 20 minutes devant la Chambre de l’instruction de ladite Cour. Pour rappel, cette Chambre est présidée par Monsieur Mohamed Bama CAMARA, assisté de deux membres, Aïssatou SAKHO et Ibrahima BAYO.

Dans cette convocation, il est mentionné que les membres de la chambre sont saisis des faits suivants : « détournement de deniers publics, corruption d’agents publics, enrichissement illicite ». Il y est également précisé que : « …Et pour lesquels une inculpation pourrait être envisagée. En cas d’absence injustifiée, en application de l’article 211 du Code de procédure pénale, nous pourrions décerner à votre encontre un mandat de comparution ».

La régularité de cette convocation qui assimile les qualifications aux faits a été contestée à plusieurs égards.  D’abord du fait qu’elle assimile les qualifications aux faits, notamment dénoncée dans la presse par le Conseiller juridique du Président Cellou Dalein DIALLO. Il en est de même de la signification de la convocation faite auprès d’une personne non habilitée, en l’occurrence Maître Salifou BEAVOGUI. C’est pourquoi, ce dernier a, par courrier en date du 30 mai, restitué ladite convocation à l’Huissier.

Enfin, en violation des dispositions de l’article 144 du Code de procédure pénale, la convocation ne mentionne pas les faits reprochés à Monsieur Cellou Dalein DIALLO et la notification de la convocation n’a pas été faite par lettre recommandée ou par un Officier de police judiciaire.

Par la suite, Monsieur Cellou Dalein DIALLO a appris par la presse qu’une seconde convocation qui serait émise le 1er juillet a été déposée par un Huissier chez le chef de quartier de Kaporo le 6 juillet 2022 à 18 heures 45 mn et le 7 juillet, ce dernier aurait tenté en vain de déposer ladite convocation à la résidence secondaire de M. Cellou Dalein DIALLO située dans son quartier. Or, l’article 144 du Code de procédure pénale prévoit un délai impératif d’au moins 10 jours entre la notification de la convocation et la date de comparution.

Il va sans dire que l’on retienne le 6 ou le 7 comme date de notification, le délai impératif d’au moins 10 jours n’a pas été respecté pour une première comparution prévue le 15 juillet 2022. Le caractère impératif de la disposition doit être déduit du vocable « ne peut » être inférieur à 10 jours ni supérieur à 2 mois ». La violation de cette disposition est donc une cause de nullité absolue de la convocation entreprise.

De tout ce qui précède, ces violations répétées des délais et formalités prévus par le Code de procédure pénale entraine l’application de :

– l’article 1249 du même code qui dispose : « L’inobservation par tout magistrat, greffier en chef, greffier ou secrétaire, des délais et formalités prévus par le présent code constitue une faute professionnelle entraînant l’application des sanctions disciplinaires prévues par les statuts particuliers. Tous les délais de procédure prévus au présent code sont francs » et de

– l’article 35 de la loi organique L/054/CNT/2013 du 17 mai 2013 relative au Conseil supérieur de la magistrature de la loi organique L/054/CNT/2013 du 17 mai 2013 relative au Conseil supérieur de la magistrature dispose : « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité de la profession, constitue une faute disciplinaire. Constitue notamment une faute disciplinaire imputable à un magistrat :

– tout acte contraire au serment du magistrat ;

– tout manquement résultant de l’insuffisance professionnelle ».

En outre, un examen sommaire des éléments de fait et de droit de ce dossier Air Guinée permet de se rendre compte d’un certain nombre de manquements à la loi et à l’obligation d’exactitude et d’impartialité de la part du Procureur spécial de la CRIEF (voir ci-joint les deux avis juridiques émis par les Conseillers juridiques de Monsieur Cellou Dalein DIALLO et la loi du 23 Octobre 2001 sur la réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’Etat). D’où les questions suivantes que le CSM devrait se poser :

1 – Pourquoi ouvrir une information judiciaire contre Monsieur Cellou Dalein DIALLO au mépris des faits et de la loi et sur la base d’un rapport d’Audit non contradictoire ?

2 – Pourquoi accuser, sans aucune preuve, M. Cellou Dalein DIALLO de toutes ces infractions alors que les éléments objectifs tirés du rapport d’audit, des déclarations de Monsieur Mamadou SYLLA et du droit applicable montrent qu’il n’a commis aucune infraction justifiant sa poursuite devant la CRIEF ?

3 – Pourquoi accuser, sans aucune preuve, M. Cellou Dalein DIALLO d’avoir détourné 5.000.000 de dollars US représentant le prix de cession des actifs, alors qu’il apparaît clairement des éléments objectifs tirés du dossier que l’acquéreur a déjà payé tout ou partie de ce montant ?

4 – Pourquoi accuser, sans aucune preuve, M. Cellou Dalein DIALLO d’enrichissement illicite sans aucune indication sur le ou les biens concernés, la période concernée et sans mise en demeure préalable d’avoir à justifier l’origine licite de tel ou tel bien ?

Il est irréfutable que M. Cellou Dalein DIALLO n’ayant pas été mis en demeure de justifier l’origine licite d’un quelconque bien, l’accusation est coupable de violation de l’article 776 du Code pénal en vigueur et de l’article 30 de la loi du 4 juillet 2017 portant Prévention, Détection et Répression de la Corruption et des infractions assimilées.

En tout état de cause, l’article 776 du Code pénal de 2017 prévoit que « …le délit d’enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, une des personnes désignées ci-dessus, se trouve dans l’impossibilité de justifier l’origine licite des ressources qui lui permettent d’être en possession d’un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux. L’origine licite des éléments du patrimoine peut être prouvée par tout moyen… ».

L’article 30 de la loi du 4 juillet 20172017 portant Prévention, Détection et Répression de la Corruption et des infractions assimilées dispose également : « Le défaut de déclaration de patrimoine en dépit d’une mise en demeure restée infructueuse pendant trois mois est assimilé à l’enrichissement illicite prévu et puni par les dispositions de l’article 776 du Code pénal ».

5 – Pourquoi accuser, sans aucune preuve, M. Cellou Dalein DIALLO de corruption d’agents publics alors qu’il était opposé à la cession des actifs, notamment du Boeing 737-200 à la Société de Mamadou SYLLA ?

6- Pourquoi cette discrimination dans la poursuite des personnes mises en cause dans ce dossier ? Il est le seul à être destinataire de deux convocations même si celles-ci sont irrégulières. Son nom est toujours cité en premier alors qu’aux termes de la loi du 23 Octobre 2001 sur la réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État, il est le moins concerné dans la cession des actifs de l’ancienne Air Guinée.

Aux termes de la loi du 23 Octobre 2001 précitée, notamment en ses articles 3, 4, 8, 12 et 13, le Ministre des Finances est seul responsable de la mise en œuvre des méthodes et procédures de désengagement qui y sont décrites. Le Procureur n’a pu ignorer que la régularité ou non du mode de cession (appel d’offres, Entente directe ou gré à gré) des actifs d’Air Guinée ne peut concerner que le Ministre des Finances et non le Ministre des Transports.

7 – Pourquoi assimiler la convention de cession des actifs de l’ancienne Air Guinée à Air Guinée Express à un marché public ? Autrement dit, comment le parquet d’une Cour chargée de réprimer les infractions économiques et financières peut-il se tromper sur le droit applicable à la convention de cession des actifs d’une entreprise publique dissoute ?

Au regard des éléments de fait et de droit de ce dossier, Monsieur Cellou Dalein DIALLO n’aurait dû être cité par la CRIEF qu’en qualité de témoin, non pas de l’exécution des opérations de cession qui relèvent exclusivement du Ministère des Finances mais, de la mise en œuvre de la politique de privatisation du Gouvernement ayant abouti à la dissolution de la société Nouvelle Air Guinée et à la cession de ses actifs.

Cette plainte est formulée sur la base de l’article 1249 du Code de procédure pénale et des articles 35 et suivants de la loi organique L/054/CNT/2013 du 17 mai 2013 relative au Conseil supérieur de la magistrature.

A cet égard, l’article 38 de cette loi dispose notamment : « Le ministre de la Justice, garde des Sceaux saisi d’une plainte ou informé d’un fait de nature à entraîner une sanction disciplinaire contre un magistrat, après vérification, met en mouvement l’action disciplinaire en saisissant le Conseil supérieur de la magistrature.

Le ministre de la Justice, garde des Sceaux peut suspendre par arrêté le magistrat mis en cause pour une durée qui ne peut excéder trente (30) jours … ».

Dans l’espoir que la présente plainte retiendra votre meilleure attention pour une bonne administration de la justice, nous vous prions de bien vouloir recevoir, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées.

Les avocats soussignés