Le Parquet russe a requis mardi 30 août 24 ans d’emprisonnement contre le journaliste d’investigation Ivan Safronov, spécialiste des questions militaires, accusé de haute trahison. Incarcéré depuis 2020, son affaire avait été dénoncée par des confrères comme une vengeance pour ses articles évoquant des ratés embarrassants dans l’armée russe.
« Le représentant du ministère public a demandé de reconnaître Safronov coupable de haute trahison et de lui infliger une peine de 24 ans de prison dans une colonie pénitentiaire à régime sévère », a indiqué le tribunal municipal de Moscou, cité par l’agence d’État TASS, après une audience à huis clos.
Expert reconnu des questions de Défense, Ivan Safronov, 32 ans, avait été arrêté en juillet 2020, dans un contexte de pressions croissantes contre la presse indépendante.
Son affaire a été dénoncée par ses anciens collègues comme une vengeance pour ses articles évoquant des ratés ou des incidents embarrassants dans l’armée russe.
C’était un jeune journaliste et déjà parmi les plus réputés et respectés de Russie sur les questions militaires avant de devoir quitter le métier et devenir conseiller presse pour l’agence spatiale Roscosmos. Avant de quitter le journalisme, Ivan Safronov avait été l’auteur de nombreuses révélations. C’est lui qui a notamment révélé la vente de chasseurs Soukhoï SU-35 à l’Égypte en mars 2019, provoquant un scandale diplomatique entre la Russie et les États-Unis, rapporte notre correspondante à Moscou, Anissa El Jabri.
Depuis avril, il est jugé à huis clos, car il s’agit d’un procès pour espionnage et trahison. À l’ouverture du procès, il avait clamé son innocence et dénoncé le « cynisme extrême » de la justice.
Ivan Safronov avait travaillé pour deux quotidiens nationaux russes, Vedomosti et Kommersant. Poussé à la démission de Kommersant en 2019, il était devenu en mai 2020 conseiller de l’ex-directeur de l’agence spatiale russe Roscosmos, Dmitri Rogozine.
« Des secrets d’État » transmis « à un pays de l’Otan » ?
Selon les services russes de sécurité (FSB), il est soupçonné d’avoir « transmis des secrets d’État sur la coopération militaire et technique, la défense et la sécurité de la Russie » à « un service de renseignement d’un pays de l’Otan ». Il est accusé d’avoir rendu publiques des informations concernant la livraison d’armes russes au Moyen-Orient et en Afrique à la République tchèque, pays membre de l’Otan, alors qu’il travaillait comme journaliste en 2017.
Selon les documents du dossier, Ivan Safronov aurait trahi son pays avec au moins un interlocuteur pour 248 dollars, très exactement.
Les détails de l’affaire sont classifiés, le procès s’est tenus à huis clos, les avocats soumis à une clause de confidentialité. L’un d’eux a quand même décidé de communiquer sur un marché qui aurait été proposé à Ivan Safronov six jours après son arrestation : révéler les sources de certaines de ses investigations et admettre sa culpabilité, contre une peine réduite à 10 ans.
Peine effectuée dans une « colonie pénitentiaire à régime sévère »
« Faux », ont répété à plusieurs reprises les autorités : le Kremlin avait pour sa part assuré que son arrestation n’avait « rien à voir avec son activité journalistique ».
Si les requêtes du procureur sont acceptées, Ivan Safronov aura 56 ans quand il sortira de prison. Le procureur a également demandé que la peine soit effectuée dans « une colonie pénitentiaire à régime sévère ».
Le verdict est attendu le 5 septembre. Depuis le 4 mars 2022, toute information jugée comme visant à discréditer les forces armées russes peut être punie de jusqu’à 15 ans de prison.
Avec RFI