Dans le récent décret N°2023/179, du 9 Août 2023, le Chef de l’Etat, Colonel Mamadi DOUMBOUYA, a fixé les missions et l’organisation des Conseils de quartiers et de districts. Cet acte du chef du pouvoir exécutif a pour vocation de modifier les dispositions de l’article 99 de la loi organique N°L/2017/N°0039/AN portant code électoral révisé en République de Guinée. Il instaure désormais le régime de nomination des chefs de quartiers et districts en lieu et place du régime de désignation au prorata des résultats obtenus dans les districts et quartiers par les listes de candidature aux élections communales, comme prévoyait le code cité ci-haut.
La question du statut des quartiers et districts a connu de multiples mutations dans l’histoire de l’organisation administrative de la Guinée (I), en fonction des contraintes du temps et des enjeux du moment (II).
I)- Des mutations du statut des quartiers districts en République de Guinée
C’est à l’occasion de son discours Programme du 22 décembre 1985 que le Chef de l’Etat d’alors, Colonel Lansana CONTE, a annoncé son choix en faveur de la décentralisation pour la Guinée. Il disait ceci : « Nous faisons le choix d’une société fondée sur les solidarités naturelles mises au service du développement. Renforcer ces solidarités naturelles là où elles existent encore, c’est l’objet de la décentralisation ».
Conformément à cette volonté affichée, l’article 88 de la Loi fondamentale guinéenne du 23 décembre 1990 a érigé les quartiers et districts dans le rang des collectivités locales avec pour conséquence la désignation de leurs dirigeants par la voie de la démocratie populaire. Mais une décennie après, le Président Lansana CONTE a profité du référendum constitutionnel guinéen du 11 novembre 2001 pour changer ce statut en renvoyant les districts et quartiers dans la catégorie des circonscriptions territoriales dont les membres sont nommés par le pouvoir exécutif.
Le nouvel article 88 révisé de la constitution guinéenne se lisait comme suit : « L’organisation territoriale de la République est constituée par les Circonscriptions Territoriales et les Collectivités Locales. Les Circonscriptions Territoriales sont les Régions, les Préfectures, les Quartiers et Districts. Les Collectivités locales sont les Communes Urbaines et les Communautés Rurales de développement … ».
La constitution du 07 mai 2010 n’a pas tenu compte des quartiers et districts. D’une manière laconique, son article 134 al. 3 se contentait de dire que : « les collectivités locales sont les régions, les communes urbaines et les communes rurales ». C’est la loi organique portant code électoral de 2010 qui a précisé, dans son article 98, que : « … les districts et les quartiers sont des sections des collectivités locales ».
A propos des élections des conseils de districts et de quartiers, l’article 102 de la même loi disposait que : « Pour le scrutin uninominal à un tour, le vote se fait à main levée ou par alignement … ». Ce mode de désignation populaire a été remplacé par la désignation des conseils de quartiers et de districts au prorata des résultats obtenus par liste électorale aux élections communales (article 99 code électoral révisé de 2017). Avec ce décret du 9 août 2023, les choses se précisent d’avance en faveur de la nomination des membres des conseils de quartiers et de districts par les gouverneurs. Par voie de conséquences, ces deux structures sont désormais classées sur l’administration déconcentrée et non décentralisée. Ces différentes mutations ne restent pas sans enjeux politiques, même s’il est possible de les justifier par des contraintes d’ordre pratique ou technique.
II)- Des implications des mutations du statut des quartiers et districts en Guinée
Il faut tout d’abord faire une observation préalable, non moins importante, sur la dernière décision du pouvoir central relative à la question. Le Décret N°2023/179 fixant les missions et l’organisation des quartiers et districts modifie apparemment la loi organique N°L/2017/N°0039/AN portant code électoral révisé en son article 99. Or, le parallélisme de formes, qui est un principe général de droit connu de tous, exige qu’une norme juridique de valeur inférieure ne puisse modifier une autre norme juridique de valeur supérieure. En la matière, à défaut d’une loi, il fallait prendre une ordonnance pour modifier les dispositions visées.
Sur la question de l’opportunité des réformes, il s’agit d’une suite logique entamée depuis le 05 septembre 2021. Après la dissolution des institutions nationales, à commencer par la Présidence de République jusqu’aux conseils communaux, on pouvait s’attendre à cette mesure.
Du point de vue pratique ou technique, aucun mandat politique, national comme local, n’est en cours en République de Guinée actuellement. Pourtant, les membres des conseils concernés tiennent leur légitimité des mandats issus des élections communales. Il est tout à fait justifié de procéder au changement de leur mode de désignation.
Sur les enjeux du mode de désignation des conseils de quartiers et de districts, on peut se poser la question suivante : pourquoi toutes ces considérations à l’égard de ces échelons inférieurs de l’administration ?
Ce positionnement des quartiers et districts fait qu’ils sont très stratégiques dans la maîtrise des populations et du développement à la base. Il est avéré que les autorités à ce niveau sont, non seulement, en contact direct des citoyens qui sont des potentiels électeurs, mais aussi et surtout, elles sont les principales actrices des processus électoraux.
Par Abdourahamane DIALLO
Docteur en droit public
Juriste et Enseignant-chercheur à la FSJP/IGLC-SC (Université de Sonfonia)