Les victimes de Kaporo-Rails, Kipé 2, Dimesse et Koloma de 1998 et 2019 ont appris par voie de presse ce mercredi 27 mars 2024 la pose de la première pierre du siège de l’assemblée nationale sur leurs domaines.
Au cours de la cérémonie, Dr Dansa Kourouma, Président du Conseil National de la Transition a eu « une pensée attentionnée, un pardon, des félicitations et un encouragement » à notre égard. Cette grandeur d’esprit d’un des piliers de la gouvernance actuelle est accueillie avec satisfaction par le Collectif des victimes.
Dr Dansa connait bien le dossier Kaporo-Rails car en 2019, au plus fort de la casse de nos maisons, sa structure, le CNOSC (Conseil National des Organisations de la Société Civile) et le CROSC (Conseil Régional des Organisations de la Société Civile de Conakry) avaient menés une enquête auprès des victimes qui a abouti aux conclusions suivantes :
1- Aucun plan social ou mécanisme de protection socioéconomique, n’a été mis en place en amont par l’Etat en faveur des occupants des lieux et aussi, aucune preuve du dédommagement des déguerpis de Kaporo-Rails en 1998 n’existe.
2- Recommandent la mise en place d’un plan social d’urgence pour le respect de la dignité humaine en attendant un traitement au cas par cas des dossiers…
Le mémorandum remis au Ministre de la Réconciliation Nationale, Taran Diallo n’a reçu aucune suite de la part du régime d’Alpha Condé.
Par ailleurs, il est important de signaler que le discours courtois de Dr Dansa contraste avec les propos arrogants tenus en 2020 par son prédécesseur Amadou Damaro Camara sur les mêmes lieux. Le dernier président de l’assemblée nationale du pouvoir Condé, sans remord disait « On n’a cassé aucune maison. L’Etat nous a donné un espace net de toute occupation, ajoutant que « s’il y a un problème, souvent, c’est la faute aux fonctionnaires qui attribuent à des citoyens des terrains où il est prévu parfois de construire des routes». En outre, comme pour contester le rapport du CNOSC/CROSC, il a enfoncé le clou en ces termes « après le premier déguerpissement en 1998, tout le monde avait été indemnisé. Il y en a qui ont reconstruit des maisons cassées et qui sont restés dans l’espoir de dire qu’un nouveau déguerpissement n’aura jamais lieu».
En ce mois béni de Ramadan, les victimes se réjouissent de la sortie du Président du CNT qui s’inscrit dans le cadre du rétablissement de la verité et de la rehabilitation des populations injustement dépossédées de leurs biens.
Toutes fois, le Collectif tient à préciser qu’à ce stade, les victimes n’ont pour l’instant reçu aucun dédommagement. Pendant ce temps, plusieurs pères et mères de familles sont en train de mourir alors que les jeunes pour la plupart ont pris le dangereux chemin du Nicaragua en attendant des lendemains meilleurs.
Il est cependant important de noter qu’une lueur d’espoir est née au lendemain du 05 septembre 2021 avec l’arrivée au pouvoir du Général Mamadi Doumbouya. En 2023, les autorités de la transition ont engagé un processus d’identification des familles victimes et l’évaluation de leurs biens perdus. Le but ultime est de parvenir à un récasement et à un dédommagement complet.
Y égard aux progrès enregistrés, le Collectif des victimes sollicite l’implication personnelle du Président du CNT auprès du Chef de l’Etat pour qu’une solution définitive soit trouvée à cette affaire qui a fait couler tant de larmes et a coûté la vie à de nombreux citoyens.
Pour rappel, Kaporo-Rails a connu quatre catégories d’habitants:
1- Les coutumiers Baga et autres;
2- Les citoyens installés entre 1982-1983 par la première République dont les documents (arrêtés, certificats de propriété et autorisations de construire) ont été signés par le Ministre de l’urbanisme, de l’habitat et des domaines d’alors Elhadj Moussa Diakité ;
3- Les déplacés pour cause d’utilité publique d’Enta, de la cité des Médecins de Kipé et de Faban (derrière la piste de l’aéroport de Conakry);
4- Les personnes installées sous la deuxième République et dont les documents sont signés par le capitaine Kerfalla Camara entre 1984-1985.
Le décret qui classe une partie de la zone en réserve foncière de l’Etat a été signé le 23 novembre 1989. Moins de cinq ans après, le même Etat a autorisé la construction d’écoles privées sur le site, l’ouverture de routes, l’adduction d’eau, l’électrification, la construction de marchés et l’aménagement de cimetières.
Conakry le 27 mars 2024
La Cellule de communication du Collectif