Général Mamadi Doumbouya, président de la Transition, chef de l’Etat

Monsieur le Président, l’heure est grave, et la gravité de la situation est accentuée par le voile de dissimulation qui obscurcit la vérité. Personne parmi ceux qui vous entourent n’ose vous regarder dans les yeux pour rappeler l’urgente nécessité de tenir parole et d’honorer vos engagements envers le peuple souverain de Guinée. Il est vrai que ceux qui prétendent que vous avez un calendrier personnel pour la gestion de la transition préfèrent se cacher derrière des masques et balayer la poussière sous le tapis.

Vous avez risqué votre vie et celle de nombreux soldats républicains des Forces Spéciales pour délivrer notre peuple d’une dictature civile. Aujourd’hui, votre politique de refondation de l’État et de promotion d’une bonne gouvernance commence à porter ses fruits. Vous aspirez à porter haut le flambeau du patriotisme républicain et révolutionnaire. Cependant, il est crucial de comprendre que la légitimité populaire est bien plus vitale qu’un plébiscite.

N’oubliez pas que les mouvements de soutien et de propagande politique ont souvent été, dans notre pays, des sources de détournement du pouvoir et de division interethnique. De Conté à Condé, en passant par Dadis et Konaté, notre pays a connu à un moment donné des revirements sombres dans son histoire. Ne sacrifiez pas vos efforts en suivant ceux qui cherchent à écrire leurs histoires personnelles plutôt que celle de la nation, ceux qui veulent se servir du peuple plutôt que de le servir, et ceux qui, contre vents et marées, conspirent contre notre avenir commun.

Monsieur le Président, vous êtes venu au pouvoir à un moment où la tyrannie, l’oppression, l’injustice, la mauvaise gouvernance et l’instrumentalisation des institutions étaient devenues des moyens d’État. Le tonnerre d’acclamations du CNRD, au nom duquel vous avez pris le pouvoir, nous a laissés croire que vous êtes l’un des plus grands patriotes que notre pays n’ait jamais connus. Votre visite sur les lieux publics, tels que le cimetière de Bambeto et celui de Cameroun, pour vous recueillir sur les tombes des martyrs, n’est pas seulement une politique de charme ; elle témoigne de votre profond engagement contre les violences.

La création de la CRIEF démontre votre volonté de mettre fin aux crimes économiques et financiers dans notre pays. En invitant le CNT à élaborer un projet de nouvelle constitution à soumettre au peuple par acte référendaire, vous mesurez l’enjeu de votre responsabilité pour une gouvernance démocratique. De plus, la conduite rigoureuse du procès du massacre du 28 septembre atteste de votre attachement à une justice indépendante et impartiale. Les nombreuses infrastructures réalisées sous votre leadership portent les marques de votre politique de refondation dans les secteurs clés du développement durable.

Monsieur le Président, soyez prudent face à ceux qui cherchent à vous convaincre en disant que vous êtes l’élu du peuple. Souvenez-vous que l’avenir de ce pays que vous aimez et défendez ne doit jamais être compromis. L’État est une continuité qui doit poser les meilleurs jalons de la refondation. Une transition est plus éphémère qu’un mandat, et chaque dirigeant est comptable de ses actions et de celles de son régime.

Ainsi, je vous demande, Monsieur le Président, de considérer cette expression de langage comme une simple invitation d’un citoyen épris de paix et de justice, observant son paysage socio-politique. Pour paraphraser un grand homme d’État tchèque, je tiens à vous rappeler que ‘‘la politique n’est pas l’art de faire l’impossible, mais l’art de rendre possible ce qui est nécessaire’’.

Je vous exhorte à prendre toutes les dispositions nécessaires pour lutter contre l’injustice, les disparitions forcées, et pour promouvoir le respect des droits humains et des libertés publiques. Vous l’avez affirmé et réitéré à maintes reprises : « La justice est la boussole qui va guider tous les Guinéens ». Soyez ce fervent défenseur de ce slogan en organisant des élections libres, inclusives, indépendantes et crédibles. Cela laissera le meilleur héritage et vous gravera à jamais dans la mémoire collective.

Par Thierno Amadou Oury BALDÉ, Juriste de formation, Journaliste professionnel, Écrivain-auteur.