Lors d’une réunion, jeudi, du Conseil de sécurité des Nations Unies consacrée à la situation au Darfour, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a demandé au Soudan un accès à cette région pour ses enquêteurs.

« Quinze ans après le renvoi de la situation au Darfour devant la Cour pénale internationale en application de la résolution 1593, les victimes des crimes au Darfour ont enfin une chance de voir justice » dans le cas d’Ali Muhammad Ali Abd-Al- Rahman, connu aussi sous le nom d’Ali Kushayb, a déclaré Mme Bensouda devant les membres du Conseil.

M. Abd-Al-Rahman a été transféré à la CPI le 9 juin 2020 après s’être rendu volontairement aux autorités centrafricaines. Les juges de la CPI ont émis deux mandats d’arrêt contre lui. Il est poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, qui auraient été commis au Darfour.

La Procureure de la CPI a également indiqué au Conseil de sécurité que, ces derniers mois, son bureau a continué de surveiller les crimes présumés au Darfour, qui pourraient relever de la compétence de la Cour.

« Il y a des allégations répétées d’attaques contre des civils au Darfour, s’étant produit principalement en juin et juillet. Ces attaques auraient fait un nombre important de victimes. De façon alarmante, il y a des rapports continus de violence sexuelle et sexiste et de crimes contre les enfants », a-t-elle précisé.

Mme Bensouda a salué l’Accord de paix de Juba, signé le 3 octobre 2020, entre le Conseil de souveraineté et le Front révolutionnaire soudanais et d’autres mouvements. « J’espère que cet accord aidera à rendre justice aux victimes des crimes atroces au Darfour et à instaurer une paix durable et prospère au Soudan », a-t-elle dit.

Abrogation des dispositions du droit pénal qui empêchaient la coopération avec la CPI

Elle a également salué l’accord des parties pour créer un tribunal spécial pour les crimes au Darfour et une commission vérité et réconciliation. Elle s’est félicitée de l’abrogation récente par le Soudan des dispositions du droit pénal qui empêchaient la coopération avec la CPI.

La Procureure a indiqué qu’en octobre, elle avait dirigé la première mission de son bureau au Soudan en 13 ans. Cette visite à Khartoum a permis à la délégation et au gouvernement soudanais de tenir des discussions préliminaires sur les mécanismes possibles pour traduire en justice les suspects contre lesquels des mandats d’arrêt de la CPI ont déjà été émis.

Mme Bensouda s’est félicitée des assurances de soutien, de coopération et d’attachement à la justice exprimées par les autorités lors de cette mission.

« A Khartoum, j’ai souligné en particulier la nécessité urgente de permettre à mes enquêteurs d’accéder au territoire soudanais », a-t-elle souligné. Elle avait espéré que son équipe se rende au Soudan en novembre pour une mission d’évaluation opérationnelle afin d’ouvrir la voie à des activités d’enquête à part entière immédiatement après. Mais cette mission a été reportée à la demande des autorités soudanaises. « Aucune nouvelle date n’a été proposée et la fenêtre d’opportunité pour mener des enquêtes avant l’audience de confirmation des charges de M. Abd-Al-Rahman se referme rapidement », a-t-elle dit.

Mandat d’arrêt contre Omar Al Béchir toujours en vigueur

La Procureure de la CPI a rappelé que les mandats d’arrêt de la CPI en cours contre Omar Al Béchir, Ahmad Harun, Abdel Raheem Muhammad Hussein et Abdallah Banda Abakaer Nourain restaient en vigueur.

« À ce jour, mon Bureau n’a reçu aucune confirmation officielle des autorités compétentes du Soudan sur les mesures qu’elles envisagent de prendre à l’égard des autres suspects de la CPI qui, à l’exception de M. Banda, seraient sous leur garde », a-t-elle précisé. « Je saisis cette occasion pour appeler ce Conseil et, par votre intermédiaire, les autorités du gouvernement soudanais, à intensifier le dialogue avec mon Bureau au sujet de ces mandats d’arrêt en suspens ».

Selon Mme Bensouda, le Conseil de sécurité peut jouer un rôle décisif pour accélérer ce processus et assurer la coopération pleine, rapide et tangible du Soudan avec la CPI. « Les victimes des crimes atroces au Darfour méritent de voir enfin de réels progrès dans la recherche de la justice », a-t-elle dit.

Elle a ajouté qu’elle espérait se rendre elle-même au Darfour d’ici son prochain rapport au Conseil de sécurité en juin 2021. « Cet accès au Darfour est ce qu’attendent les victimes, et c’est ce que le Soudan, avec le soutien de ce Conseil, doit immédiatement faciliter », a-t-elle conclu.

ONU Info