Des expertes indépendantes des droits de l’homme de l’ONU ont salué ce jeudi,31 décembre, la décision du Sénat argentin de légaliser les avortements jusqu’à la 14e semaine de grossesse.
« Nous nous félicitons de cette loi qui devrait rendre l’avortement plus sûr », ont déclaré les expertes, qualifiant cette loi révolutionnaire « d’étape cruciale dans l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et des jeunes filles ».
« Cette loi est une étape historique dans le respect par l’Argentine de ses obligations internationales en matière de droits de l’homme, et devient un modèle pour toute la région et au-delà », ont ajouté les expertes onusiennes dans un communiqué, au lendemain du vote du Congrès argentin.
Déjà approuvé par les députés le 11 décembre dernier, le texte autorisant l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse a été voté par les sénateurs avec 38 voix pour, 29 contre et une abstention, deux ans après l’échec d’une première tentative.
Jusqu’à présent, Buenos Aires n’autorisait l’avortement qu’en cas de viol ou lorsque la santé de la femme était menacée, même si, dans la pratique, avortement restait un chemin de croix, même pour ces motifs.
« La criminalisation de l’avortement n’a pas fait grand-chose pour empêcher l’interruption de grossesse, mais a simplement poussé les femmes à se faire avorter illégalement et dans des conditions dangereuses, et de nombreuses femmes en sont mortes », ont-elles fait valoir.
Michelle Bachelet loue le « plaidoyer remarquable du mouvement féministe »
Pour les expertes indépendantes onusiennes, il est maintenant important que la loi soit appliquée dans tout le pays et « ne soit pas usurpée par un programme politique ou un dogme religieux », évoquant leur préoccupation face à la « clause sur l’objection de conscience, qui permet aux professionnels de la santé de ne pas pratiquer d’avortements si cela va à l’encontre de leurs croyances personnelles ».
L’objection de conscience ne peut être autorisée que lorsqu’il existe un devoir clair et une possibilité effective d’orienter la personne enceinte vers un prestataire compétent et consentant, sans retarder la procédure.
« Cette clause ne doit pas devenir un nouvel obstacle à l’accès en temps utile aux services d’avortement », ont-elles fait remarquer, insistant sur le fait que « dans ces cas, le temps est essentiel ».
A noter que la Cheffe des droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet a également salué hier mercredi dans la soirée, cette « décision historique du Sénat argentin », en louant « le plaidoyer remarquable du mouvement féministe ».
« Presque tous les décès dus à l’avortement se produisent dans des pays qui le restreignent ou le criminalisent sévèrement, obligeant les femmes à se tourner vers des procédures dangereuses », a tweeté la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU.
Plus largement, les expertes de l’ONU ont rappelé que la loi existante était « discriminatoire à l’égard des femmes et des jeunes filles vivant dans la pauvreté qui ne pouvaient pas se permettre de voyager à l’étranger ou de payer pour une procédure sûre, comme le pouvaient les femmes plus fortunées ». Elle contribuait à la poursuite forcée de la grossesse, même dans les cas où la grossesse résultait d’un viol.
L’Argentine rejoint des pays comme Cuba et l’Uruguay qui autorisent l’IVG
A ce sujet, les expertes ont cité les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui montrent que les pays où les femmes ont obtenu dans les années 1970 et 1980, le droit d’interrompre leur grossesse ou à d’autres méthodes contraceptives, ont « le taux le plus faible d’interruptions réelles de grossesse ».
Ces dernières années, il y a eu plusieurs tentatives infructueuses pour faire passer la loi au Congrès argentin. L’adoption de cette loi est donc également le fruit d’une « extraordinaire mobilisation de tous les militants du pays ».
Avec ce texte, l’Argentine rejoint des pays comme Cuba, l’Uruguay et le Guyana, qui autorisent l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans conditions en Amérique du Sud.
Néanmoins « beaucoup reste à faire pour garantir les droits des femmes et des filles à l’égalité et au plus haut niveau de santé sexuelle et reproductive », ont averti les expertes indépendantes onusiennes.
Outre les cinq membres du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, cette déclaration a été approuvée et soutenue par Tlaleng Mofokeng, la Rapporteure spéciale sur le droit à la santé physique et mentale.