Je suis choqué mais pas surpris par cette décision. Je ne suis que modérément optimiste, pour ne pas dire que je suis toujours pessimiste, lorsque je vois un ou une chef.fe de juridiction dirigé un procès contre un opposant ou un activiste de la société civile critique envers le pouvoir. Je préfère voir des procès de ce type confiés à des juges qui n’exercent pas de fonction présidentielle. Car ils n’ont pas à défendre leurs postes. Ils sont donc plus indépendants souvent. En ce qui concerne la décision elle-même, j’attends comme tous mes confrères de la défense de voir les motifs retenus par le Tribunal pour condamner nos clients. Pour ma part, je continue à croire que ce sont des innocents qui ont été condamnés.
Je suis surtout scandalisé par la condamnation de Youssouf Dioubaté. Il a écopé de cette lourde peine parce qu’il dit que Souleymane Condé est son mentor. Sinon, il n’a fait aucune publication susceptible de constituer l’infraction pour laquelle il a été condamné. C’est pourquoi, la défense ne tardera pas à relever appel de ce jugement qui est loin d’être fondé. Le sentiment que j’ai aujourd’hui est un sentiment d’inquiétude.
En effet, la justice apparaît de plus en plus comme le moyen par lequel le pouvoir règle des comptes avec toutes les voies discordantes ou fait taire ses opposants. Cela est d’autant plus grave que celui qui nous dirige aujourd’hui a eu le malheur d’être confronté à la même instrumentalisation de la justice quand il n’était qu’un opposant.
Vingt ans après, il est regrettable que les mêmes pratiques continuent et que la machine judiciaire continue à être mise à contribution pour broyer des opposants.
Me Mohamed Traoré, avocat au Barreau de Guinée