Pr Emmanuel Sibidi Darankoum, secrétaire permanent de l’OHADA

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est-elle soluble dans l’OHADA ? Ces dernières années, les perspectives économiques sur le continent africain n’ont cessé de s’améliorer. L’OHADA y a joué un rôle clé en établissant un cadre juridique partagé par 17 pays propice à la sécurisation des investissements.

La crise sanitaire que nous traversons a confirmé la meilleure capacité de résilience des entreprises présentant de bonnes performances sociales, environnementales et de gouvernance. A ce jour encore embryonnaire, l’intégration de la RSE dans les différentes business practices nationales africaines est devenue un défi plus que jamais essentiel. L’OHADA entend y contribuer pour rendre les sociétés africaines plus inclusives, tendre vers moins d’impact environnemental et toujours plus de développement sociétal.

Pour le relever, plusieurs chantiers propres aux spécificités africaines se profilent. Rappelons que l’Afrique compte 27% d’entrepreneures qui génèrent environ 12 à 14% du PIB du continent. Ce leadership féminin fait cependant face à de nombreuses difficultés, parmi lesquelles l’accès au financement ou aux organes de gouvernance des entreprises. Intégrer dans nos lois des exigences de RSE constituerait un levier pour une meilleure intégration des femmes au sein des entreprises et diversifier la vision managériale dans nos territoires.

Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi.

Le développement du secteur minier doit, lui aussi, intégrer résolument ces enjeux. Qu’il s’agisse de préserver la biodiversité ou du respect des droits humains, les activités extractives qui structurent nombre de nos territoires sont souvent mises à l’épreuve. Le défi consiste à garantir la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à ces activités et les pistes d’innovations règlementaires ne manquent pas. Cela peut passer par des exigences de gouvernance garantissant l’implication des parties prenantes ou l’optimisation de l’impact de la fiscalité extractive dans les territoires contributeurs.

 L’économie circulaire constitue également un levier stratégique, vecteur d’innovation et d’amélioration de la compétitivité des entreprises en optimisant l’utilisation des ressources et des matières premières. L’intégration de ces fondamentaux dans un espace normatif comme l’OHADA contribuerait fortement à la transition vers ce type d’économie, facteur d’investissements durables pour la région.

Reckya Madougou, ancienne garde des sceaux et ministre des Droits de l’Homme du Bénin

Il est aussi primordial qu’un principe de vigilance soit déployé a minima afin d’assurer une prévention et gestion appropriée des risques Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance. Elle pourrait se traduire notamment par l’établissement d’un devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.

 L’OHADA, en tant que cadre règlementaire de référence, se doit donc de construire des obligations RSE adaptées aux territoires concernés. Mais pour prospérer, ces mutations normatives devront s’accompagner d’un eort de sensibilisation de l’ensemble des parties prenantes. Décideurs publics, entreprises et communautés locales, tout le monde devra y trouver son intérêt bien compris.

Il en va du renforcement de la compétitivité des entreprises africaines ! Au vu de la multiplication de nouvelles exigences européennes, le déploiement de la RSE au sein de l’OHADA permettrait sans aucun doute d’améliorer la qualité de leurs relations économiques avec l’Europe.

Patrice Anato, député français

Ce nouveau cadre normatif, favorable aux investissements durables, est à la portée du continent. Sans compter que la révolution numérique est une alliée de choix pour relever ces défis !!! En orant des solutions notamment d’e-gouvernance, elle stimule les dynamiques de transparence dans les choix de politiques publiques. En mobilisant ce potentiel, les pays membres de l’OHADA se mettraient en situation de répondre ainsi aux fortes attentes citoyennes, mais aussi à celles des acteurs économiques et des investisseurs.

Intégrer toujours plus les enjeux de RSE dans l’OHADA, c’est donc doter cet espace juridique unique d’une boussole propice à générer un développement économique durable et inclusif au bénéfice notamment des populations et de la biodiversité.