Le Président de la République de Guinée a déclaré que « les Guinéens sont comme des tortues ; il faut leur mettre le FEU derrière pour bouger ». Une manière de souligner sa détermination à impulser le changement de comportement dans le contexte du début d’exécution de son troisième mandat reposant sur le slogan « Gouverner autrement ».
Moi je dis, qu’À SUPPOSER MÊME QUE LES GUINÉENS ETAIENT DES ‘‘TORTUES’’, ILS SERAIENT PROTÉGÉS CONTRE LE FEU. Il faudrait ainsi trouver un autre moyen (lol).
I. QUELQUES INSTRUMENTS JURIDIQUES QUI AURAIENT PROTÉGÉ LES GUINÉENS EN TANT QUE TORTUES
Même si les guinéens avaient réellement été des tortues – ce qui aurait conféré à notre pays, le titre de République populaire et démocratique de TORTUES, -ils seraient protégés contre le feu, non seulement par un ensemble d’instruments juridiques internationaux mais également par ceux relevant de notre propre ordre juridique.
➢ INSTRUMENT DE CARACTERE INTERNATIONAL
La République de Guinée est partie à un ensemble de Conventions internationales ayant pour objet (ou effet) la protection des espèces menacées d’extinction y compris les TORTUES. C’est le cas : des Accords de l’OMC y compris l’Accord général sur les taris douaniers et le commerce (GATT) ; de la convention internationale sur le commerce des espèces menacées du 3 mars 1973 ; de la convention de Bonn du 23 juin 1979 sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage ; de la CITES, Convention sur la Diversité́ Biologique ; Convention cadre de Nations Unies sur les Changements climatiques, Convention cadre de Nations Unies sur la désertification ; Convention de Bale ; Protocole de Carthagène (en raison des aspects liés aux espèces migratrices) ; Accord AEWA, Convention d’Alger etc.).
➢ INSTRUMENTS NATIONAUX
Dans l’ordre juridique guinéen, l’esprit et la lettre d’un ensemble d’instruments juridiques nationaux protègent les TORTUES. C’est le cas : (du Code de protection de la faune sauvage et règlementation de la chasse, du Code Forestier, du Code de protection et de mise en valeur de l’Environnement, du Code de la pèche, etc.).
Il en va de même d’autres instruments tels que (la Stratégie nationale de conservation de la biodiversité́ ; la Stratégie nationale de conservation de la diversité́ biologique et son plan d’action, la Stratégie nationale de gestion durable du réseau national d’aires protégées, stratégies nationales et plans d’action : i) de conservation des grands carnivores, ii) des petits cétacés et du lamantin d’Afrique, iii) des Raies et requins, iv) de conservation du chimpanzé́, vi) de conservation des TORTUES MARINES).
II. LA CONSTANCE DE L’ESPRIT DE PROTECTION DES TORTUES, DANS CES INSTRUMENTS : quelques indices
Le GATT et les autres conventions spécifiques protègent tous les tortues.
➢ LA PROTECTION DES TORTUES MARINES DANS LE CONTEXTE DU GATT
Ces instruments juridiques internationaux et nationaux protègent ainsi les tortues. A titre d’exemple, suivant l’article XX de l’Accord général sur les Tarifs douaniers et le Commerce (GATT), « Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante des mesures g) se rapportant à la conservation des RESSOURCES NATURELLES EPUISABLES, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ».
Or, à titre d’exemple, dans l’affaire Etats-Unis –Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes
du 12 octobre 1998, où était en cause une législation américaine dont l’objectif consistait dans la défense des TORTUES MARINES, l’Organe d’Appel a considéré que les TORTUES MARINES étaient des ressources naturelles épuisables, après avoir relevé que l’expression ressources naturelles épuisables n’avait pas un contenu statique, mais évolutif » (Rapport Organe d’appel Etats-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (WT/DS58/AB/R) du 12 octobre 1998, § 150). Il résulte cette affaire, que LA PROTECTION DES TORTUES CONSTITUE UNE EXCEPTION GENERALE. On ne pourrait ainsi, à supposer même que les guinéens aient pu être des tortues, leur appliquer le FEU (lol).
➢ LA PROTECTION DES TORTUES PAR DES CONVENTIONS SPECIFIQUES
Dans le même sens, suivant le Préambule de la convention de Bonn du 23 juin 1979 sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, « CONSCIENTES de ce que chaque génération humaine détient les ressources de la terre pour les générations futures et a la mission de faire en sorte que ce legs soit préservé et que, lorsqu’il en est fait usage, cet usage soit fait avec PRUDENCE ».
Egalement, le préambule de la convention internationale sur le commerce des espèces menacées du 3 mars 1973 relève que les Etats contractants reconnaissent que « les peuples et les Etats sont et devraient être les meilleurs protecteurs de leur faune et de leur flore sauvages ».
Or, aussi légitime que puisse paraître le motif, la pratique consistant à appliquer le FEU aux TORTUES en vue d’entraîner leur changement ne se concilierait pas avec l’esprit de cette convention. Dans ces conditions, à supposer même que les guinéens aient pu être des tortues, ils ne mériteraient pas que l’on leur appliqua le FEU.
Jean Paul KOTEMBEDOUNO