Ngozi Okonjo Iweala est arrivée lundi au siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour mieux connaître ses équipes et les représentants des pays membres, au premier jour d’un mandat historique à la tête d’une institution confrontée à d’énormes défis en pleine crise économique et sanitaire mondiale.
“J’arrive dans l’une des plus importantes institutions du monde et on a beaucoup de travail. Je me sens prête”, a lancé la Dr Ngozi, à son arrivée, tôt lundi matin à l’élégant siège de l’OMC, le long des berges du lac Léman.
La première femme et première Africaine à diriger l’OMC a placé la journée sous le signe de l’écoute.
“Il y a une réunion du Conseil général et j’espère être en mesure d’écouter et de voir ce que les délégations ont à dire, ce que les ambassadeurs ont à dire sur les principaux sujets et d’échanger”, avec eux, a-t-elle déclaré, précisant qu’elle rencontrera aussi les directeurs généraux adjoints, qui ont piloté l’institution pendant les six mois de vacance de pouvoir et une partie de ses équipes.
Le tout à bonne distance, Covid-19 oblige.
Deux fois ministre des Finances et cheffe de la diplomatie du Nigeria durant deux mois, la Dr Ngozi, 66 ans, remplace le Brésilien Roberto Azevedo, qui a quitté ses fonctions en août un an avant la fin de son mandat.
Celle qui a travaillé pendant 25 ans à la Banque mondiale a été désignée le 15 février par les 164 pays membres de l’OMC au terme d’un long processus de sélection, paralysé pendant plusieurs mois par le veto à sa nomination de l’ex-administration Trump.
L’arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden, qui lui a offert son soutien, a permis de sortir de l’impasse.
La Dr Ngozi entame son mandat au premier jour de la première réunion (1-2 mars) de l’année du Conseil général de l’OMC, l’occasion pour les membres de l’organisation de faire le point sur les négociations en cours.
A cette occasion, les délégués devraient également décider que la prochaine Conférence ministérielle – qui a dû être reportée en raison de la pandémie de Covid-19 – se tienne en décembre à Genève.
D’ici là, la nouvelle cheffe de l’OMC, connue pour sa forte volonté et sa détermination, aura eu le temps d’imprimer sa marque à Genève.
Si certains espèrent que son arrivée donnera un véritable coup de fouet à l’organisation, d’autres soulignent qu’elle ne pourra tout changer d’un coup de baguette magique en raison de la règle du consensus par laquelle les membres prennent leurs décisions.
Une de ses premières tâches sera de nommer ses 4 nouveaux directeurs adjoints, qui l’aideront à redynamiser le mécanisme de négociation de l’organisation.
Institution torpillée
La nouvelle cheffe de l’OMC espère surtout faire progresser les discussions sur les subventions à la pêche, afin de les terminer lors de la prochaine conférence ministérielle. Mais la tâche s’avère difficile car les pourparlers s’enlisent.
En plein marasme économique mondial causé par la pandémie de Covid-19, plusieurs autres chantiers de taille attendent la Dr Ngozi, dont dénouer les conflits opposant l’organisation aux États-Unis.
Elle prendra en effet la tête d’une institution torpillée notamment par l’administration de Donald Trump, qui était ouvertement hostile à l’organisation et avait même bloqué le fonctionnement de l’organe de règlement des différends.
Les États-Unis, mais également des pays européens, ainsi que le Canada, demandent également une refonte de l’organisation, estimant notamment qu’elle ne répond pas de manière appropriée aux distorsions commerciales causées en particulier par la Chine.
Plusieurs pays réclament aussi une plus grande transparence des politiques commerciales des 164 membres de l’organisation.
Elle a récemment appelé l’OMC à se concentrer sur la pandémie alors que les membres de l’organisation sont divisés à propos d’une exemption des droits de propriété intellectuelle sur les traitements et vaccins anti-Covid pour les rendre plus accessibles.
Présidente de l’Alliance du Vaccin (Gavi) jusqu’à l’an dernier, la Dr Ngozi est également très attendue dans le dossier Covid, une de ses priorités.
Le sujet sera largement débattu ces deux prochains jours à l’OMC. Certains pays, à l’instar de l’Inde et de l’Afrique du sud, demandent une exemption des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins pour maximiser la production mondiale.
Le Groupe d’Ottawa, qui réunit l’UE et 12 pays, dont le Brésil, le Canada et la Suisse, vont de leur côté demander que les pays s’engagent, pendant la pandémie, à ne pas entraver le commerce médical et suppriment les droits de douane visant les marchandises considérées comme essentielles.