L’impact environnemental négatif des crypto-monnaies telles que Bitcoin a été largement couvert par la presse au cours des dernières semaines et des derniers mois, et leur volatilité a également été signalée comme une source de préoccupation.

Néanmoins, l’ONU estime que la blockchain, la technologie qui se cache derrière ces monnaies en ligne, pourrait être d’une grande utilité pour ceux qui luttent contre la crise climatique et contribuer à une économie mondiale plus durable.

Une « manière inutile d’utiliser l’énergie » ?

La quantité d’énergie nécessaire pour alimenter le réseau Bitcoin est stupéfiante : Tim Berners-Lee, crédité comme l’inventeur du World Wide Web, est allé jusqu’à décrire « l’extraction de Bitcoin » comme « l’un des moyens les plus fondamentalement inutiles d’utiliser l’énergie ».

Les bitcoins n’existent pas en tant qu’objets physiques, mais de nouvelles pièces sont « extraites » ou mises en circulation, grâce à un processus qui implique l’utilisation d’ordinateurs puissants pour résoudre des problèmes mathématiques complexes. Ce processus nécessite tellement d’énergie que le réseau Bitcoin consommerait plus d’énergie que plusieurs pays, dont le Kazakhstan et les Pays-Bas.

Et, comme les centrales électriques à combustible fossile représentent toujours une part importante du mix énergétique mondial, on peut dire que l’extraction de Bitcoin est en partie responsable de la production des gaz à effet de serre qui causent le changement climatique (bien que, jusqu’à présent, l’impact sur le climat soit bien inférieur à celui des secteurs de l’agriculture, de la construction, de l’énergie et des transports).

Un autre problème est la quantité d’énergie nécessaire pour chaque transaction, qui est énorme par rapport aux cartes de crédit traditionnelles : par exemple, chaque transaction Mastercard est estimée à seulement 0,0006 kWh (kilowattheure), tandis que chaque transaction Bitcoin consomme 980 kWh, assez pour alimenter un foyer canadien moyen pendant plus de trois semaines, selon certains commentateurs.

Des ramasseurs de déchets dans une décharge en Zambie.
PNUD Zambie Des ramasseurs de déchets dans une décharge en Zambie.

Un moteur important du développement durable ?

Malgré ces problèmes, des experts de l’ONU pensent que les crypto-monnaies et la technologie qui les alimente (blockchain) peuvent jouer un rôle important dans le développement durable et en fait améliorer notre gestion de l’environnement.

L’un des aspects les plus utiles des crypto-monnaies, en ce qui concerne l’ONU, est la transparence. Parce que la technologie est résistante à la falsification et à la fraude, elle peut fournir un enregistrement fiable et transparent des transactions. Ceci est particulièrement important dans les régions où les institutions sont faibles et les niveaux de corruption élevés.

Le Programme alimentaire mondial (PAM), la plus grande agence des Nations Unies fournissant de l’argent humanitaire, a découvert que la blockchain peut aider à garantir que l’argent parvienne à ceux qui en ont le plus besoin.

Un programme pilote au Pakistan a montré qu’il était possible pour le PAM d’acheminer de l’argent directement aux bénéficiaires, en toute sécurité et rapidement, sans avoir besoin de passer par une banque locale. Le projet, Building Blocks, a également été testé avec succès dans des camps de réfugiés en Jordanie, permettant au PAM de créer un enregistrement en ligne fiable de chaque transaction.

Si cela peut fonctionner pour les réfugiés, cela peut aussi fonctionner pour d’autres groupes défavorisés et vulnérables. Les auteurs d’un rapport de l’agence des Nations Unies pour l’environnement, le PNUE, suggèrent que la technologie pourrait améliorer les moyens de subsistance des ramasseurs de déchets, qui gagnent leur vie dans l’économie informelle.

Un système de surveillance transparent, indique le rapport, pourrait suivre avec précision où et comment les déchets récupérés sont utilisés, ainsi qu’identifier qui les a ramassés, garantissant que les bonnes personnes sont récompensées pour leurs efforts.

La pollution de l'air fait des dégâts à notre santé.
Unsplash/Chris LeBoutillier La pollution de l’air fait des dégâts à notre santé.

Bloquer la dégradation de l’environnement

Le potentiel de la blockchain dans la protection de l’environnement a été testé dans un certain nombre d’autres projets, par l’ONU et d’autres organisations. Cela va d’un outil pour éliminer la pêche illégale dans l’industrie du thon, développé pour le Fonds mondial pour la nature (WWF), à une plate-forme (CarbonX) qui transforme les réductions d’émissions de gaz à effet de serre en une crypto-monnaie qui peut être achetée et vendue, fournissant aux fabricants et consommateurs une incitation financière à faire des choix plus durables.

Pour le partenariat DTU du PNUE (une collaboration entre le PNUE, l’Université technique du Danemark et le ministère danois des Affaires étrangères), il existe trois domaines principaux où la blockchain peut accélérer l’action climatique : la transparence, le financement climatique et les marchés de l’énergie propre.

Selon ce partenariat, les données sur les émissions nocives de gaz à effet de serre dans de nombreux pays sont incomplètes et peu fiables. Les solutions blockchain pourraient fournir un moyen transparent et fiable de montrer comment les nations prennent des mesures pour réduire leur impact sur le climat.

Le financement climatique – des investissements qui contribuent à ralentir le rythme du changement climatique – pourrait être stimulé si les marchés du carbone sont intensifiés, permettant aux entreprises et aux industries de passer à des technologies à faible émission de carbone.

Et la blockchain pourrait être un élément important pour accélérer l’adoption de sources d’énergie renouvelables telles que l’éolien et le solaire. Comme ces sources sont, par nature, intermittentes et décentralisées, de nouvelles formes de marchés de l’énergie sont nécessaires. Les outils utilisant la technologie blockchain peuvent aider à créer ces marchés et mettre fin à notre dépendance aux combustibles fossiles.

Trouver des solutions à faible consommation d’énergie

Malgré tous ces avantages potentiels, l’énorme consommation d’énergie associée à la technologie est l’un des principaux obstacles à surmonter, et de nombreux acteurs de l’industrie travaillent sur des moyens de résoudre le problème.

Par exemple, la Fondation Ethereum, l’organisation derrière la crypto-monnaie Ethereum, travaille sur une nouvelle façon de vérifier les transactions. En passant à une méthode différente (appelée Proof of Stake, ou PoS), la Fondation affirme que le coût énergétique de chaque transaction pourrait être réduit de 99,95 %.

Dans le même temps, de nombreux acteurs de l’industrie veulent s’assurer que toute énergie consommée par l’industrie est entièrement décarbonée.

En avril 2021, trois organisations importantes (l’Energy Web Foundation, le Rocky Mountain Institute et l’Alliance pour des régulations innovantes) ont formé le Crypto Climate Accord, qui est soutenu par des organisations couvrant les secteurs du climat, de la finance, des ONG et de l’énergie.

L’objectif de l’accord est de « décarboner l’industrie en un temps record » et d’atteindre zéro émission nette dans l’industrie mondiale de la cryptographie d’ici 2030.

Les hauts et les bas de la crypto-monnaie

Les crypto-monnaies en sont encore à leurs balbutiements, et il reste encore de nombreux défis techniques et politiques à surmonter, comme en témoigne la nature volatile de certaines des versions les plus connues.

Un seul Tweet du milliardaire Elon Musk peut faire monter ou baisser la valeur du Bitcoin ; El Salvador a annoncé son intention de donner cours légal au Bitcoin en juin, un mois après que Beijing a annoncé une répression de l’extraction de Bitcoin ; tandis qu’une autre crypto-monnaie, Dogecoin, a également été largement échangée, avec des hausses et des baisses énormes de sa valeur (encore une fois, en partie suite aux déclarations de M. Musk), bien qu’elle ait été créée comme une blague.

Néanmoins, de nombreux experts financiers pensent que ces problèmes de démarrage finiront par être résolus, permettant aux crypto-monnaies et à d’autres outils financiers basés sur la blockchain de se généraliser : un certain nombre de banques centrales planifient leurs propres monnaies numériques, et ce qu’on appelle les « stablecoins », qui peuvent être rattachées à des métaux précieux tels que l’or ou à des monnaies nationales, pourraient devenir, comme leur nom l’indique, des opportunités d’investissement stables et fiables.

Si les plus vulnérables sont amenés à bénéficier de la promesse de la technologie blockchain, et si elle peut vraiment avoir un impact positif sur la crise climatique, davantage de recherche technique est nécessaire, ainsi qu’un dialogue international plus important, impliquant des experts, des scientifiques et des décideurs politiques.

« L’ONU devrait continuer à expérimenter dans l’espace blockchain », déclare Minang Acharya, l’un des auteurs d’une récente note de prospective du PNUE sur les applications de la blockchain. « Plus nous expérimentons, plus nous en apprenons sur la technologie. Cela est susceptible d’améliorer nos connaissances à l’échelle de l’ONU sur la blockchain, notre compréhension des implications environnementales et sociales des extractions et d’améliorer nos chances de faire face à tous les problèmes que la technologie pourrait apporter à l’avenir ».