En réponse à ceux qui soutiennent que l’ancien président doit rendre compte devant la justice, certains disent que l’histoire de la Guinée n’a pas débuté en 2010, c’est-à-dire à la suite de l’arrivée de ce dernier au pouvoir. Ils ajoutent que s’il doit y avoir un procès, cela devrait concerner aussi ceux qui ont été aux affaires entre 1984 et 2008 et entre 2008 et 2010. C’est vrai que l’histoire de la Guinée ne peut se résumer au régime de Alpha Condé. Nul ne le conteste et ne saurait le contester.
Pour mémoire, M. Alpha Condé avait promis à la suite de son élection de faire réaliser des audits sur la gestion de son prédécesseur afin de prendre sans doute la mesure de l’ampleur du désastre économique dans lequel il avait trouvé le pays comme il l’a toujours soutenu.
Cette promesse avait été saluée par presque tous les guinéens qui y voyaient une volonté de rupture avec le précédent régime sur le plan de la gestion des affaires publiques.
Au fil du temps, l’on s’est rendu compte que cette histoire d’audits n’était qu’un épouvantail que M. Alpha Condé agitait à chaque fois qu’il était acculé par la pression de ses opposants dont les trois anciens premiers ministres du président Lansana Conté. On se demande même aujourd’hui s’il y a eu réellement des audits. Pire, il a placé au cœur de son système des personnages qui étaient des éléments- clés du régime précédent. Dès lors, ses fameux discours sur d’anciens premiers ministres de Conté qui auraient pillé le pays n’étaient plus audibles. Dans tous les cas, la question des audits n’avait plus aucune crédibilité, aucune pertinence.
En ce qui concerne les crimes de sang, il n’a pris aucune initiative pour que justice soit rendue. Il a préféré louvoyer. Parlant par exemple des évènements du 28 septembre 2009, il ne s’est pas gêné de déclarer que ce n’était pas une priorité pour les guinéens. En fait, il voulait juste dire que ce n’était pas une priorité pour lui. Pourtant, la CPI avait laissé à la justice guinéenne la mission de juger cette affaire suivant le principe de la subsidiarité. Sans l’engagement des nouvelles autorités avec leur tête le président Alpha Condé d’organiser un procès sur ce dossier, la justice internationale s’en serait saisie. Mais il a préféré trainer les pieds.
Ainsi, l’absence de poursuites judiciaires sur les crimes de sang et les crimes économiques sous le régime Conté et pendant la transition lui est totalement imputable. Si les auteurs de ces crimes avaient été jugés, il n’ y aurait peut-être pas eu des crimes de même nature quasiment entre 2010 et 2021. Mais il a choisi comme il savait si bien le faire de privilégier ses calculs en mettant de côté la question de la justice.
Faut-il prendre cette situation pour prétexte pour ne pas juger les crimes commis pendant les dix dernières années ?
Il n’est pas sûr que ce soit le rôle d’un organe de transition de s’engager sur cette voie. Mais il peut au moins poser les jalons d’un processus pouvant aboutir à un ou des procès afin que les dirigeants sachent qu’ils ne peuvent pas se permettre tout quand ils sont aux affaires. En tout cas, il serait dangereux de dire qu’il n’y aura pas de procès sur des cas de crime puisqu’il n’y en pas eu sur des cas précédents.