Dans une déclaration, l’Association des victimes du Camp Boiro (AVCB) fustige la décision du Colonel Mamadi Doumbouya de rebaptiser l’aéroport de Conakry au nom du premier dirigeant guinéen, Ahmed Sékou Touré.
« Faisons attention aux sirènes nostalgiques de l’idéologie et aux risques du Populisme, du négationnisme et de l’apologie du crime et du criminel, sources de division. Le passé immédiat de la Guinée nous enseigne en effet que bon nombre de dirigeants viennent au pouvoir avec de belles intentions, mais se laissent phagocyter très rapidement par un entourage toxique. Généralement, la suite est prévisible », rappelle l’Association des victimes du Camp Boiro.
Ci-dessous, l’intégralité de cette déclaration :
La Guinée s’est réveillée ce matin avec un choc. En effet, la radio Espace a annoncé que l’aéroport Gbéssia allait être rebaptisé aéroport international Ahmed Sékou Touré. Eh oui ! Vous avez bien entendu : aéroport International Ahmed Sékou Touré. Un tel acte relève du fait du Prince, par son caractère unilatéral et ne tenant pas compte de la Charte même de la Transition dont le CNT est l’organe de Souveraineté et dont cela devrait relever !
Nous en sommes d’autant surpris que si une telle nouvelle se confirmait, pourrions-nous encore parler de Réconciliation au titre du chantier de la Refondation dévolue au CNT?
Les implications d’une telle initiative sont graves par leur impact sur la situation héritée et sur la crédibilité du caractère impératif du mandat que le CNRD attend du CNT sur tout ce qui engage ou impose la consultation de l’ensemble des guinéens dans la diversité de leurs opinions.
Comment croire que le CNT puisse assumer une telle unilatéralité lorsqu’il est opposé à tous que l’esprit de la Charte de la Transition exige que seul le CNT puisse proposer, ne fût-ce que la durée de la Transition et son contenu en matière de Refondation dont la mémoire historique est une pièce essentielle, lorsque nous avons tous entendu dire que « nous avons tous échoué » ?
Le travail de six ans de la Commission Provisoire Réconciliation Nationale, qui a lancé des consultations nationales sur la réconciliation avec le soutien du PNUD et du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme devrait s’imposer aux autorités de la transition.
En effet, il faut rappeler que Sékou Touré a présidé pendant 26 ans de règne totalitaire sans partage de 1958 à 1984. Durant cette période, les guinéens et les guinéennes ont assisté à l’exécution sommaire de dizaines de milliers de fils et filles de ce pays par pendaison, diète noire, fusillades, après qu’ils aient subi les tortures les plus ignobles et souvent pendant des années. Ces victimes sont encore à date, ensevelies dans des fosses communes disséminées sur l’ensemble du territoire. Des millions de guinéens et de guinéennes (2 millions sur une population de 6 millions en pleine période de paix selon les statistiques) ont dû s’exiler pour échapper à sa folie meurtrière. Sékou Touré a mené la Guinée, jadis perle de l’Afrique francophone, à la destruction de son tissu économique et à l’anéantissement du système éducatif ; ce qui est une des causes essentielles de la situation économique/sociale actuelle du pays. En outre, en institutionnalisant comme méthode de gestion de l’état la délation généralisée, l’embrigadement et l’endoctrinement de la population, Sékou Touré a contribué à la fragilisation de toutes les institutions de la République. Il n’y a qu’à comparer la Guinée d’aujourd’hui à ses deux voisins immédiats, à savoir la Côte d’Ivoire et le Sénégal, pour se convaincre des destructions dont s’est rendu responsable le premier président de la Guinée.
Il y a quelques jours de cela, nous avons appris par décret présidentiel, que le CNRD restituait à la famille de Sékou Touré les cases « Bellevue » sur lesquelles l’Etat de Guinée avait investi des milliards de Francs issus de l’argent des contribuables, installant de facto cette propriété dans le domaine du patrimoine bâti public. Ces investissements furent réalisés en prévision du sommet de l’OUA ; sommet qui était censé se tenir en 1984, et qui n’a pu avoir lieu du fait de la mort de Sékou Touré le 26 mars 1984. Or, à ce jour, l’Etat n’a toujours pas permis à des dizaines de victimes de Sékou Touré de récupérer leurs biens saisis ; et cela malgré l’ordonnance 122 de restitution des biens publiée sous la présidence du feu Général Lansana Conté. Comment peut-on parler de « Justice comme boussole du régime » lorsqu’on constate de tels faits ?
Nous souhaitons lancer un appel au Président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, afin qu’il garde le cap des idéaux qui l’ont motivé lors de sa prise de pouvoir le 05 septembre 2021. Faisons attention aux sirènes nostalgiques de l’idéologie et aux risques du Populisme, du négationnisme et de l’apologie du crime et du criminel, sources de division. Le passé immédiat de la Guinée nous enseigne en effet que bon nombre de dirigeants viennent au pouvoir avec de belles intentions, mais se laissent phagocyter très rapidement par un entourage toxique. Généralement, la suite est prévisible.
Nous souhaitons tous la réussite de la Transition, et nous souhaitons que le Colonel Mamadi Doumbouya entre dans l’Histoire par la Grande porte. Cependant, nous avons peur que la mise en œuvre de ces mesures ne provoque à terme un réel problème avec des conséquences incalculables.
PLUS JAMAIS ÇA !
Le Secrétariat exécutif
Siège : Quartier Nongo, Commune de Ratoma. Conakry, Rép. de Guinée