Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a approuvé, vendredi à Genève, une résolution en faveur d’une commission d’enquête internationale sur les violations des droits humains et du droit humanitaire en Ukraine après l’invasion russe.
La résolution condamne « les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits résultant de l’agression de la Fédération de Russie ». Le texte appelle « au retrait rapide et vérifiable des troupes russes et des groupes armés soutenus par la Russie de l’ensemble du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine ».
Il demande également l’établissement d’urgence pour une durée initiale d’un an d’« une commission d’enquête internationale indépendante ».
Les enquêteurs seront chargés de « recueillir, rassembler et analyser les éléments de preuve attestant de (…) violations » des droits humains et du droit international humanitaire résultant de l’invasion russe en Ukraine, en vue de futurs procès, et d’identifier les responsables de ces violations « afin qu’ils aient à répondre de leurs actes ».
Le Conseil réaffirme son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine
Le projet de résolution, proposé par l’Ukraine, a été approuvé par 32 pays, 2 contre (Russie et Erythrée) et 13 abstentions, dont les voix du Cameroun, Gabon, Soudan, l’Inde et le Pakistan. C’est le cas aussi du Venezuela, Cuba et la Chine, qui ont décidé de s’abstenir lors du vote même si lors de leurs interventions, ils ont exprimé des doutes quant à l’ouverture d’enquêtes sur les autorités russes.
La délégation chinoise a ainsi assuré qu’elle « s’oppose toujours à la politisation des questions relatives aux droits de l’homme ». Pour Beijing, la commission pourrait « exacerber les tensions » dans cette région.
De son côté, Cuba, regretté la « perte de vies innocentes » en Ukraine. La Havane a toutefois rappelé que, par le passé, le Conseil n’a pas enquêté sur les « blocus criminels contre des peuples entiers » ou lors d’autres conflits ou actes de torture commis par des pays, ce qui, selon Cuba, montre que l’institution fait deux poids deux mesures.
Dans cette résolution, le Conseil réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance politique, à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris ses eaux territoriales. Il demande en outre instamment que soit assuré un accès humanitaire immédiat, sûr et sans entrave, y compris à travers les lignes de conflit.
L’Ukraine parle d’une « résolution historique »
« C’est une résolution historique », a affirmé à la presse à l’issue du vote l’Ambassadrice ukrainienne à l’ONU à Genève Yevgenyia Filipenko. Pour Kiev, « les pays du monde entier sont unis » contre la Russie. C’est « un message clair pour le Président russe Vladimir Poutine. Vous êtes isolé et le monde est contre vous », a-t-elle lancé.
Selon la Représentante de l’Ukraine, les responsables doivent redouter désormais la création de la commission qui complètera l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI). « Les preuves seront collectées, vous serez identifiés et vous devrez rendre compte », a dit la diplomate ukrainienne.
A noter que les trois membres de la Commission d’enquête seront nommés par le Président du Conseil des droits de l’homme.
« Nous espérons que la commission sera mise en place le plus rapidement possible étant donné l’urgence de la situation, car elle pourrait être un complément important au travail de la Cour pénale internationale avec des informations claires et fiables », a souligné l’ambassadrice ukrainienne.
« La rhétorique ne va pas restaurer notre humanité » – Ambassadeur de la Gambie
Lors des débat ayant précédé l’adoption de la résolution, de nombreux autres orateurs ont affiché leur solidarité au peuple ukrainien. Le Conseil devrait envoyer le message qu’il n’y aura pas d’impunité pour les crimes de la Russie, ont-ils dit, appelant à suspendre l’adhésion de la Russie au Conseil.
« Il n’y a qu’un seul agresseur dans cette guerre. C’est la Russie. Pas l’OTAN, pas l’Europe, pas l’Ukraine. La Russie doit être tenue responsable de ses actions », a martelé Jérôme Bonnafont, Ambassadeur de la France auprès de l’ONU à Genève.
Dans le bloc africain, la Gambie s’est dite découragée par le fait que « la communauté mondiale soit confrontée à cette situation très malheureuse et, plus important encore, à la perte de vies humaines et de droits ». « Le multilatéralisme, la souveraineté, l’intégrité territoriale et notre humanité collective sont provoqués dans des limites que nous n’avons jamais connues depuis très longtemps », a déclaré Muhammadou M.O. Kah, l’Ambassadeur gambien auprès de l’ONU à Genève.
Pour Banjul, il est temps de s’asseoir un moment et à puiser dans notre humanité, en encourageant « le courage, la conviction et les solutions diplomatiques pour que l’effusion de sang cesse ». « La rhétorique ne va pas restaurer notre humanité. Alors que nous traversons les ping-pongs politiques, nous devons savoir que des vies humaines continuent d’être affectées », a fait valoir l’Ambassadeur gambien.
La Russie dénonce le « caractère unilatéral » du texte
Avant le vote, l’Ambassadeur russe à Genève, Gennady Gatilov, a dénoncé le « caractère unilatéral » de la résolution et réitéré le rejet par son pays de la création de la commission d’enquête.
« C’est un gaspillage de ressources qui pourraient être mieux utilisées pour aider les civils en Ukraine », a-t-il déclaré. « Mais cela ne préoccupe pas les auteurs du texte, puisqu’il s’agit de mettre tout ce qui se passe en Ukraine sur le dos de la Russie ».
Selon l’ambassadeur russe, le Conseil des droits de l’homme aurait pu éviter le conflit actuel. L’instance onusienne a refusé, selon lui, de considérer les violations que Moscou attribue à Kiev contre les russophones de l’Est du pays. Et d’accuser les Etats-Unis et l’Union européenne d’utiliser le Président ukrainien pour faire pression sur la Russie.
Le Conseil des droits de l’homme suit déjà la situation en Ukraine, avec régulièrement des rapports du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme sur la situation au Donbass. Mais c’est la première fois qu’il crée sur le sol européen une telle commission chargée d’enquêter sur d’éventuelles violations des droits de l’homme. L’organe onusien avait déjà approuvé la création de commissions d’enquête dans des crises et des conflits tels que le Myanmar, l’Éthiopie, la Libye ou la Syrie.
ONU INFO