Mois de juin, mois de l’enfant, mois des droits de l’enfant, plus exactement. A partir de 13 ans, commence à courir la responsabilité pénale de l’enfant en Guinée. Ce même enfant devra attendre ses 18 ans pour exercer son droit de vote. Paradoxe. La Guinée, l’Afrique en général, est peuplé d’une majorité de jeunes. Les décisions les plus importantes sont prises par un groupe restreint de personnes d’âge avancé. Autre paradoxe. Tout en continuant à cultiver les valeurs positives de respect dû aux aînés, n’est-il pas temps d’inclure dans les instances de prise de décision cette frange nombreuse de la population que sont les plus jeunes et qui représente l’avenir ? D’autant plus que la société traditionnelle africaine n’était pas une société excluant les plus jeunes en son sein mais elle est une société qui intègre chacun selon ses capacités, notamment avec le système de classes d’âge. La captation du dividende démographique dépend, pour une large part, de l’inclusion des jeunes au sein des instances publiques de décision. La doctrine est unanime sur le fait que l’innovation majeure de la Convention relative aux droits de l’enfant, l’une des plus ratifiées au monde, est l’article 12 relatif à la participation de l’enfant dans les affaires le concernant. L’une des manières d’impliquer l’enfant dans les affaires de la cité est justement de lui reconnaitre la possibilité de se prononcer lors des consultations électorales sur le choix des institutions et les personnes qui les animent. Dans cette présente tribune, nous verrons successivement l’intérêt et le moyen d’accroitre la participation de l’enfant dans les affaires de son pays, en l’occurrence, la Guinée.

 

L’intérêt d’accroitre la participation de l’enfant dans les affaires publiques en Guinée

D’emblée, il y a lieu de préciser, ici, que le terme enfant est défini au sens de l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant, disposition aux termes de laquelle est considéré comme enfant, toute personne de moins de 18 ans : « Aux termes de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. » L’article 12.1 de la même convention précitée stipule que : « 1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Sur la même lancée, l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques indique aussi que : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par  l’intermédiaire de représentants librement choisis ;  b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ; (…)». Ces textes conventionnels qui garantissent aux jeunes leur participation à la vie publique trouvent leur écho dans les textes internes guinéens tant dans la Charte de la transition que dans le Code de l’enfant et autres instruments subséquents. Il ne s’agit point, ici, d’une générosité quémandée aux adultes mais de l’exercice d’un droit de l’homme appartenant à l’individu qu’est l’enfant et garantit par les autorités publiques. Il est toujours clamé que l’enfant représente l’avenir mais force est de reconnaître qu’il est d’abord le présent. Un enfant formé aux rudiments de la vie publique et outillé dans l’exercice du droit de vote est un adepte du jeu démocratique en devenir, un citoyen acteur.

 

L’abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans comme moyen d’accroître la participation de l’enfant dans la gestion des affaires de la cité

La jeunesse de la population guinéenne incite et invite à tenir compte de son avis dans la gestion de la vie publique. Face à la désaffection de la participation de la population lors des consultations électorales, beaucoup de pays ont commencé à abaisser l’âge de la majorité électorale. Il s’agit notamment de l’Autriche (depuis 2007 à tous les niveaux), en Allemagne (au niveau local, dans certains landers), Malte (2022), Belgique (2024), Grèce (17 ans depuis 2016), élections européennes (2024) et nous passons. La Guinée, pays à population en majorité constitué de jeunes, se doit de s’orienter en ce sens. Il s’agira de réviser les textes nationaux en l’occurrence le Code électoral en vue de permettre à toute personne ayant atteint l’âge de 16 ans de pouvoir exercer son droit de vote. L’Etat, à travers les écoles et les médias, peut mobiliser ressources et moyens en vue de former les jeunes dans cet important exercice démocratique. Les partis politiques et les organisations de la société civile peuvent également jouer un rôle essentiel dans l’éducation civique et politique de leurs militants. Les organisations de la société civile auront également pour tâche de sensibiliser les jeunes pour leur participation active aux marches de la société. Pour un départ, à défaut d’un droit de vote à tous les niveaux, on pourrait commencer à accorder le vote des jeunes de 16 ans aux scrutins locaux. Le débat est lancé !

Il est temps, pour la Guinée, dans le but de capter le dividende démographique, d’abaisser l’âge de majorité électorale à 16 ans, en vue de traduire en réalité des prescriptions de l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui fait de l’enfant capable de discernement, un sujet de droit et non un objet de droits, un acteur de la réalisation de ses droits et non un simple spectateur, ce, pour le bien de toute la communauté guinéenne.

Bon mois de juin, mois de la promotion et de la protection des droits de l’enfant ! Bonne fête aux enfants et à celles et ceux qui militent en faveur de leurs droits !

Conakry, le 10 juin 2024

Juris Guineensis No 64

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D

Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour