« L’un des tous premiers défis de mon gouvernement est la promotion d’une bonne gouvernance au service du développement durable. Il s’agira de consolider l’État de droit, de promouvoir la démocratie, d’assurer la sécurité et la cohésion sociale pour asseoir l’autorité de l’État qui fait cruellement défaut aujourd’hui, et rendre à terme l’action publique plus efficace et plus forte. Le mandat donné à l’équipe gouvernementale par le Chef de l’État est de traduire les performances macroéconomiques en réalités microéconomiques positives en termes de pouvoir d’achat de chaque foyer ou famille guinéenne, de chaque entreprise ou unité de production de biens ou de services en Guinée (……) ».
Effets d’annonce ou pas, cette déclaration de politique générale du gouvernement lue par le premier ministre Dr Ibrahima Kassory Fofana devant les élus du peuple, continue d’avoir de nombreuses interprétations dans l’arène politique nationale y compris le paysage médiatique que sans occulter l’hémicycle où elle a été tenue.
Alors que le chef du gouvernement a fait ses preuves dans la lutte contre la corruption en obtenant du président de la République la révocation de deux responsables des régies financières de l’Etat pour malversation financière, nombreux sont les observateurs qui doutent encore de la matérialisation de la volonté du nouveau locataire de la primature à palier le phéromone de la gabegie financière et dilapidation ou détournement des fonds affectés au fonctionnement de l’Etat. Outre que Paul Moussa Diawara et Sekou Camara, respectivement Directeurs généraux de l’Office Guinéenne de la Publicité et de l’Office guinéenne du Chargeur, des têtes de certains hauts cadre de l’exécutif devraient tomber, mais hélas !
Pourtant, « rétablir l’autorité de l’État c’est mener une lutte sans répit contre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance », avait martelé l’actuel patron de la primature lors de son passage à l’Assemblée Nationale.
Sachant qu’il est un ancien dignitaire du régime du feu général Lansana Condé, sa participation du gouvernement d’alors aurait alimenté la chronique dans certains dossiers qui accablent sa personnalité comme étant un des prédateurs de l’économie nationale selon ses détracteurs. Mais quoi que l’on puisse dire, aucune pièce justificative pour l’instant n’atteste son implication dans des crimes économiques. Donc, tout laisse à croire qu’il s’agit des preuves de la commune renommée.
Sur ce, les uns pourraient accorder du crédit au nouveau premier ministre. En réalité quelque soit sa volonté, son action restera cependant la plus attendue. Car, des guinéens sont habitués aux langues de Molières où parler pour plaire et non faire pour convaincre est devenu une culture de la gestion publique.
Ce qui taraude également les esprits, c’est la question de savoir comment en deux ans, Dr Ibrahima Sory Kassory Fofana pourra-t-il réussir où les autres ont échoué. Pour qu’il réussisse comme le souhaitent tous ses compatriotes, cela demanderait qu’il use d’une baquette magique.
De l’autre côté, le dialogue social dont il est garant conformément aux dispositions de la constitution guinéenne du 07 Mai 2010, ne peut avoir d’impact que si les acteurs ont une volonté manifeste de rompre avec l’ancien système de revendications sporadiques quant à l’applicabilité des compromis encore appelés protocole d’accord. Mais lorsqu’un accord trouve son fondement dans la violation des dispositions légales à travers des compromis de couloirs, l’esprit patriotique devra interpeller tout républicain.
Pour stimuler alors le dialogue social entre les acteurs concernés, le nouveau Premier ministre aura besoin d’aplanir certaines divergences entre les acteurs politiques qui revendiquent une solution médiane relative au contentieux né du scrutin local du 4 février dernier. De même, se pencher aussi autour de la plate forme revendication du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée est plus qu’une nécessité pour éviter d’éventuelles perturbations du système éducatif à la rentrée scolaire prochaine.
Ensuite, stabiliser le panier de la ménagère pour permettre aux citoyens de subvenir à leur quotidien, alors que l’augmentation du prix du carburant est d’actualité.
Il est vraiment beau d’entendre que le gouvernement « prêtera davantage attention à la réduction de l’extrême pauvreté, telle que reflétée dans le taux de mortalité infantile, la malnutrition, l’analphabétisme, l’habitat social, la sécurité des populations et de leurs biens, leur santé, de même que le chômage endémique des jeunes en particulier », mais il serait judicieux de lier la parole à l’acte.
Par le biais de son discours de vingt sept (27) pages, Kassory n’a pas dissimulé les risques de tensions aux conséquences désastreuses que son pays traverse. En témoignant que « les revendications syndicales, les échéances électorales sont porteuses de risques, comme l’attestent les contestations nées des dernières élections municipales du 4 février 2018 », il reconnait que son Gouvernement aura une lourde responsabilité dans l’anticipation des échéances électorales à venir, notamment les législatives de l’an prochain et les présidentielles en 2020.
L’une des questions qui défrayent la chronique également est celle d’un éventuel troisième mandat du président de la République. Là-dessous, c’est une réponse de sourd qui prévaut, puisqu’il ne peut être plus royaliste que le roi.
Parlant des formes administratives qu’il entend intégrer, l’innovation sera à l’en croire, l’interdiction du parrainage des autorités administratives des manifestations politiques et sociales en dehors des campagnes électorales. Sur ce passage, on se fourvoie au motif que « la finalité première de l’action administrative, c’est de mettre en œuvre la politique du Gouvernement ». Si tel est le cas, aucun ministre ou autorités déconcentrées ou décentralisées ne devra désormais mouillés le maillot pour un parti politique qu’il soit du pouvoir ou de l’opposition comme de nombreux guinéens l’ont connu lors des trois dernières élections, c’est-à-dire les législatives de 2013 , la présidentielle de 2015 et les communales de 2018.
Tenir rigoureusement à la neutralité et la réserve qui doivent caractériser l’action administrative, requiert un sens de responsabilité du désormais ancien président du parti ‘‘GPT’’, Guinée pour tous. Pour y parvenir, les politiques de reformes relevant aussi du projet de rajeunissement et de la féminisation de l’Administration devaient tout de même peser dans la balance ainsi que la culture de service public à travers des moyens de contrôle interne et externe. Cela, pour instituer une stratégie de dépolitisation générale des structures publique afin de réussir la moralisation de la vie publique avec une gestion accès sur des résultats.
Si le nouveau gouvernement intègre également dans ses priorités la politique d’assainissement en raison des dégâts causés en période des grandes pluies dans les centres urbains comme à Conakry où des déchets obstruent les caniveaux et les réseaux d’évacuation des eaux de pluie et des eaux usées causant parfois des morts d’hommes, c’est parce qu’il ya la faiblesse des collectivités locales qui, jusqu’à date ne connaissent pas l’installation de ses conseillers en dépit de l’échéance électorale.
Promouvoir l’État de droit et l’accès de tous à une justice équitable, conditionne il faut oser le reconnaitre que les justiciables soient rétablis dans leur droit et que les coupables soient punis à la hauteur de leur forfaiture. Mais à l’allure où vont les choses, plusieurs dossiers dorment dans les tiroirs de la justice.
Même si l’on parle d’efforts considérables par exemple dans l’organisation du procès du massacre de 28 septembre au stade du même nom à Conakry en 2009, aucune date n’est encore connue pour son ouverture afin de donner une chance à la réconciliation nationale. Pire, la Haute Cour de Justice peine encore a être mise en place, alors que seule cette institution peut juger le président de la république pour Haute trahison et le premier ministre ainsi que les membres du gouvernement pour des crimes et délits aux termes de l’article 118de la constitution.
Comme le nouveau Gouvernement par la voix de son premier responsable demande à être jugé sur la base de ses résultats, le guinéen saura bientôt si le premier ministre Dr Ibrahima Kassory Fofana veut juste amuser la galerie.
Ainsi, l’action vigilante de la Presse comme annoncé par ce dernier, saura rappeler à l’ordre et contraindre les pouvoirs publics à honorer les engagements pris. Mais force est de reconnaitre que la seule éloquence n’a jamais pu faire satisfaire les préoccupations légitimes des populations, encore moins construire l’avenir d’une nation qui a besoin de la justice et de la réconciliation.
L’avenir nous édifiera davantage !
Cette analyse est celle de Thierno Amadou Oury BALDE
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