Conakry, le 31 mai 2019 – Monsieur le Ministre Secrétaire Général du Gouvernement ;
Mesdames et Messieurs les membres du Cabinet du Ministère de la Justice ;
Mesdames et Messieurs les Magistrats, Avocats, Greffiers, Huissiers de Justice, Notaires, Commissaires-Priseurs et membres du personnel administratif de l’Institution Judiciaire ;
Mesdames et Messieurs les Représentants des autres Départements Ministériels ;
Mesdames et Messieurs les Représentants de la Société Civile ;
Chers invités,
Mesdames et Messieurs,
Avec cette cérémonie d’installation, je prends le train en marche des réformes du système judiciaire initiée par son Excellence Monsieur le Président de la République et qui a pris son départ à partir de l’organisation, du 28 au 30 mars 2011, des Etats généraux de la Justice simultanément avec le Séminaire national de la réforme du secteur de Sécurité.
L’organisation de ces Etats Généraux est la première étape de la série de mesures préconisées par le Gouvernement de la IIIème République dans sa lutte contre la recrudescence de la criminalité, du chômage et de la pauvreté. Il est à noter que celle-ci, qui est essentiellement due à la mal gouvernance, avait finalement ôté toute crédibilité aux pouvoirs publics, y compris la Justice.
Ces Etats généraux ont, en effet, permis de savoir où se situait véritablement notre pays en matière de gouvernance judiciaire en définissant le contexte général et le contexte spécifique.
Ils ont également permis de savoir ce qu’il faut faire pour rétablir la confiance des populations et des investisseurs en la Justice en formulant des recommandations au nombre desquelles la mise en place, en cohérence avec les stratégies nationales, d’un programme décennal de réforme de la Justice (2014-2024) et la création d’un dispositif institutionnel de pilotage de cette réforme.
Le Programme de réforme de la Justice s’appuie sur deux documents majeurs : la Politique nationale de réforme de la Justice et le plan d’actions prioritaires 2015-2019.
Ceux-ci, qui forment respectivement le cadre stratégique et programmatique de la réforme, ont été élaborés avec une large participation de la famille judiciaire, des pouvoirs publics, de la société civile et des partenaires techniques et financiers, puis validés par le Comité de pilotage sous l’égide de Son Excellence Monsieur le Président de la République, le Professeur Alpha CONDE.
La réforme de la Justice, vue sous cet angle, est une première dans l’histoire de la Guinée indépendante, soit depuis 1958. Par conséquent, contrairement à ce qui est souvent le cas, elle n’est nullement à confondre avec les lois d’organisation judiciaire qui se sont succédé au fil des ans et qui en sont, en réalité, partie intégrante.
La Politique nationale de réforme de la Justice décline le type de justice que nous ambitionnons à l’horizon 2024 en précisant les objectifs stratégiques et en énonçant les valeurs et principes directeurs qui gouvernent la réforme.
En outre, elle indique la stratégie retenue pour construire cette justice de nos vœux en précisant les axes sur lesquels porteront les efforts des intervenants et en définissant, pour chacun de ces axes, les orientations stratégiques prioritaires de l’action publique.
De son côté et sur la base des grandes orientations définies dans la politique nationale, le plan d’actions prioritaires permet d’anticiper la préparation du budget-programme de la Justice et de son cadre de dépenses à moyen terme.
Autrement dit, il permet de savoir ce qu’il faut faire pour construire la justice de nos vœux, avec quels acteurs et comment s’assurer des progrès réalisés. A cet effet, il énumère les activités à réaliser par orientation stratégique, détermine les budgets correspondants et indique les acteurs chargés de la mise en œuvre des activités. Il indique également les résultats attendus, les indicateurs de performance et le dispositif institutionnel chargé d’apprécier les progrès réalisés.
D’ailleurs, dans le cadre de l’appui à la réforme, des partenaires techniques et financiers ont bien voulu signer avec le Gouvernement des conventions de financement ou des accords-cadres dont la mise en œuvre a aujourd’hui permis des avancées significatives en dépit de contraintes.
Néanmoins, des défis sont encore à relever, et les perspectives sont à définir, le tout sans occulter certains risques.
I- AU PLAN DES REFORMES LEGISLATIVES
1.1- De nombreux textes de base ont été adoptés dont notamment :
- Suppression de la cour d’assises et l’extension de la compétence des tribunaux de première instance aux affaires criminelles ;
- Suppression des justices de paix, celles-ci en tant que juridictions à juge unique exerçant à la fois les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement ;
- Abolition de fait de la peine de mort par son omission dans l’arsenal juridique ;
- Création et opérationnalisation du Tribunal de commerce de Conakry et de tribunaux militaires ;
- Elimination, de l’arsenal juridique, des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes et des autres couches sociales défavorisées ;
- Répression du crime organisé, des nouvelles formes de criminalité, des violences basées sur le genre, de la corruption et du blanchiment.
- Loi organique L/2013- 056/CNT du 17 mai 2013 portant organisation, fonctionnement et autres compétences du Conseil supérieur de la magistrature ;
- Loi organique L/2013/046/CNT du 12 décembre 2013 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour des comptes et le régime disciplinaire de ses membres ;
- Loi no 2015-019/AN du 13 août 2015 portant organisation judiciaire de la République de Guinée ;
- Loi no 2016-059/AN du 26 octobre 2016 portant Code pénal ;
- Loi no 2016-060/AN du 26 octobre 2016 portant Code de procédure pénale ;
- Loi no 2017-037/AN du 31 mai 2017 portant Code de justice militaire ;
- Loi organique L/2017-010/AN du 17 janvier 2017 modifiant la Loi organique L/2013- 055/CNT du 17 mai 2013 portant Statut des magistrats ;
- Loi organique no 2017-003/AN du 23 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême ;
- Loi no 2017-033/AN du 4 juillet 2017 modifiant certaines dispositions de la loi d’organisation judiciaire et créant le Tribunal de commerce de Conakry ;
- Loi no 2017-041/AN du 7 août 2017 portant lutte contre la corruption et les infractions assimilées ;
- Décret D/2016/368/PRG/SGG du 30 novembre 2016 portant attributions et organisation du ministère de la Justice ;
- Décret no 2016/240/PRG/SGG du 3 août 2016 portant statut particulier des chefs de greffe, greffiers et secrétaires des greffes et parquets ;
- Décret no 2016/309/PRG/SGG du 31 octobre 2016 portant régime juridique des établissements pénitentiaires ;
- Décret no 2016/310/PRG/SGG du 31 octobre 2016 portant statut du personnel de l’Administration pénitentiaire ;
- Décret no 2017/147/PRG/SGG du 27 juin 2017 portant création, organisation et fonctionnement du Centre de formation judiciaire ;
- Décret no 2018/097/PRG/SGG du 28 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement des maisons de justice.
- Statut des Huissiers de Justice.
D’autres activités du département avec l’appui de l’Etat et des partenaires financiers ont porté sur :
- L’organisation des Etats généraux de la Justice, en mars 2011 ;
- La mise en place du cadre juridique et institutionnel de la réforme par l’adoption de la politique nationale de réforme et d’un plan d’actions prioritaires et création des organes chargés de la mise en œuvre de la réforme ;
- L’adoption du statut particulier des magistrats et augmentation significative de leur rémunération ;
- La mise en place et opérationnalisation du Conseil supérieur de la magistrature, de la Cour constitutionnelle, de la Cour des comptes, de la Commission nationale OHADA, du Tribunal militaire de Conakry et de nouveaux tribunaux de première instance ;
- La création d’une Commission pénitentiaire et d’une Commission victimes dans le cadre de la prise en charge des détenus, des victimes et des témoins ;
- La construction d’une nouvelle Chancellerie ;
- La construction, dans le cadre des fêtes tournantes de commémoration de l’indépendance nationale, de la cour d’appel de Kankan et des palais de justice de Boké, Dalaba, Mandiana, Kérouané, Kouroussa, Nzérékoré, Pita et Siguiri ;
- La réhabilitation du palais de justice de Lélouma ;
- La rénovation des logements de fonction du procureur de la République et du président du tribunal de première instance de Nzérékoré ;
- Le recrutement de 150 auditeurs de justice dont 5 femmes, de 110 greffiers dont 5 femmes, de 57 huissiers de justice, de 8 notaires et de 300 agents pénitentiaires ;
2.1- l’Union européenne à travers le Programme d’appui à la réforme du secteur de la Justice (PARJU) et portant sur :
- Les séries de formations des acteurs judiciaires en justice juvénile et en droits humains, ainsi que sur les violences basées sur le genre et sur le fonctionnement de la chaîne pénale ;
- Les Séries de formations des cadres du ministère de la Justice et des magistrats des cours et tribunaux en technique budgétaire, en management des juridictions et en logistique, ainsi que sur la tenue des audiences criminelles et correctionnelles ;
- La formation de magistrats en contentieux électoral ;
- L’extension et équipement du Centre de formation judiciaire ;
- L’appui à l’organisation d’audiences criminelles à Kindia et Nzérékoré (juillet – août 2017) ; ce qui permis de faire juger 70 dossiers impliquant 170 accusés ;
- L’équipement de l’Administration centrale et des juridictions à raison de 140 kits mobiliers (bureaux + fauteuils + chaises visiteurs + armoires) ainsi que de 195 kits informatiques, 13 véhicules (dont 1 ambulance et 3 fourgons cellulaires pour la Direction nationale de l’Administration pénitentiaire et de la Réinsertion et 1 bus pour le Centre de Formation judiciaire), 6 véhicules 4X4, 3 berlines et 1 bus de transport pour un coût total de 850.000 euros ;
- L’appui au recensement biométrique du personnel de l’Administration pénitentiaire et de la Réinsertion ;
- L’octroi d’une subvention d’un montant de 2.300.000 euros à l’ONG Terre des hommes (TDH) pour la réinsertion sociale des détenus mineurs et la réhabilitation de prisons ;
- L’octroi d’une subvention d’un montant de 2.000.000 euros à la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dans le cadre de la lutte contre l’impunité et les violations des droits de l’homme ;
2.2- PNUD pour sa part a appuyé les réalisations suivantes :
- La dotation de la Cour constitutionnelle en matériels informatiques ;
- La conclusion d’accords de partenariat avec 5 juridictions pilotes (tribunaux de première instance de Dixinn, Kankan, Kindia, Labé et Nzérékoré) en appui à la tenue d’audiences correctionnelles et criminelles ;
- L’appui à la formation initiale et continue d’officiers de police judiciaire militaires (2016-2018).
- A travers le Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme (HCDH) :
- Le monitoring judiciaire et pénitentiaire de la situation des droits de l’homme dans les 33 préfectures, y compris les 5 juridictions pilotes ;
2.3- Les Etats-Unis d’Amérique pour leur part ont apporté leur appui :
Dans le cadre du renforcement des capacités des tribunaux de première instance pilotes de Dixinn, Kindia, Kissidougou, Labé et Siguiri :
- L’étude diagnostic de la chaîne pénale (management, rapports hiérarchiques et collaboration horizontale) ;
- La dotation du ministère de la Justice en fournitures de bureau et équipements (bureautique, outils de police scientifique et logistique) ;
- L’appui au fonctionnement des cadres de concertation et de coordination de la chaîne pénale ;
- L’appui à la tenue des audiences correctionnelles et criminelles ;
- Le lancement, par l’intermédiaire de l’ONG américaine COGINTA, du projet d’appui aux maisons de justice.
2.4- L’agence française de développement (AFD) est intervenue de son côté dans :
- L’organisation de 4 ateliers de formation sur la vulgarisation du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale simultanément à Conakry et à Kankan, puis à Labé en février 2017 ;
- Les séries de formations de formateurs et de greffiers en gestion des pièces à conviction et sur la tenue du greffe ;
- L’édition et l’impression de 2.500 exemplaires du nouveau Code pénal et 2.500 exemplaires du nouveau Code de procédure pénale (formalités en cours de finalisation) ;
- Le financement du voyage d’études de 4 cadres du ministère de la Justice en France auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), en décembre 2016 ;
- L’élaboration du Guide pratique sur la gestion des pièces à conviction, en juin 2017.
2.5- L’Ambassade de France à Conakry avec :
- La formation initiale au profit d’auditeurs de justice et d’élèves greffiers, en 2016-2017 ;
- Les formations thématiques du personnel judiciaire, notamment sur la lutte contre la corruption, le management des juridictions et le contentieux de l’Internet.
2.6- L’UNICEF et TERRE DES HOMMES ont contribué à :
- la formation de 25 professionnels de la chaîne pénale (juges, greffiers, officiers de police judiciaire) sur le respect des droits des enfants ;
- L’appui à l’élaboration du projet Code de l’enfant ;
- La mise en place de systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement des espaces communs et des locaux des maisons centrales de Boké, Conakry, Kankan, Kindia, Labé, Mamou et Nzérékoré et des maisons d’arrêt et de correction de Coyah et Siguiri.
2.7- Le Comité International de la Croix Rouge est intervenu pour :
- L’appui aux détenus au plan nutritionnel thérapeutique : programme d’hygiène (désinsectisation et distribution d’articles d’hygiène, formation des comités d’hygiène) ;
- L’appui à la vulgarisation des nouveaux Code pénal, Code de procédure pénale et Code de justice militaire, ainsi que du projet de Code civil ;
- Les visites régulières de 9 prisons (Boké, Conakry, Coyah, Kankan, Kindia, Labé, Mamou, Nzérékoré et Siguiri) en 2017.
2.8- L’Association pour l’Unification du droit en Afrique (UNIDA) avec:
- Un don de 100 exemplaires du Code OHADA au Centre de Formation judiciaire ;
- Une contribution au Forum des métiers du droit.
III- DÉFIS ET PERSPECTIVES sont nombreux. Il s’agit notamment de :
ü L’appropriation par les membres de la famille judiciaire des différentes études et formations réalisées dans le cadre de la réforme ;
ü L’entretien des équipements et matériels mis à disposition ;
ü La déconcentration du budget du ministère envers les juridictions de l’intérieur du pays ;
ü La mise en œuvre des recommandations issues de la revue à mi-parcours de la Politique nationale de réforme de la Justice, effectuée en 2016, ainsi que des différentes études réalisées et de l’évaluation du PARJU ;
ü La signature des 14 projets d’arrêté liés au statut du personnel pénitentiaire, à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires ;
ü La signature du projet de décret portant statut particulier du personnel socioéducatif et de santé de l’Administration pénitentiaire ;
ü La finalisation de l’avant-projet de décret d’application de la loi relative à la déclaration de patrimoine ;
ü La finalisation du projet d’arrêté fixant les attributions des services de l’Administration centrale du ministère de la Justice ;
ü La vulgarisation du Code civil et du futur Code de l’enfant ;
ü La prise en charge des témoins et des experts, ainsi que des honoraires des avocats commis d’office, en attendant l’adoption et la mise en œuvre de la loi sur l’aide juridictionnelle en cours d’élaboration ;
ü L’équipement de l’infirmerie des prisons en mobilier, kits médicaux, produits pharmaceutiques et prise en charge des détenus malades ;
ü Au sein des maisons centrales, l’aménagement d’ateliers de couture pour les femmes et extension du quartier des mineurs et alphabétisation de ceux-ci ;
ü La création d’un centre de réinsertion sociale ;
ü L’opérationnalisation du Casier judiciaire central ;
ü La construction des tribunaux de première instance de Tougué, Koubia et Mali ;
ü L’achat de robes pour les auditeurs de justice de la 5è promotion au nombre de 50 et les élèves-greffiers de la 4è promotion également au nombre de 50 pour leur permettre de prêter serment avant leur affectation dans les juridictions ;
ü La finalisation du processus de recrutement des auditeurs de justice et des élèves-greffiers en mettant l’accent sur la préparation des jeunes filles et femmes à affronter les épreuves du concours ;
ü L’édition d’un bulletin trimestriel d’informations sur les avancées de la réforme ;
ü La mise en place d’un système de pension de retraite pour les magistrats ;
ü L’amélioration substantielle des conditions de vie et de travail des magistrats.
Avant de conclure permettez-moi de remercier son Excellence Monsieur le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature pour avoir renouveler sa confiance en ma modeste personne.
Il me donne ainsi l’occasion de poursuivre la mission pour laquelle il m’a fait venir auprès de lui celle de doter la Guinée d’une Justice, qui correspond aux normes standard internationales.
Connaissant déjà le vœu ardent de son Excellence Monsieur le Président de la République de voir réaliser ce rêve, nul doute que l’institution Judiciaire dans sa globalité bénéficie toujours de sa compréhension, de son soutien et de tout l’appui nécessaire.
Pour ma part, je lui donner l’assurance, et aussi à son Gouvernement de ne ménager aucun effort et de donner le meilleur de moi-même, pour que les Magistrats qui distribuent cette Justice et tous leurs collaborateurs soient placés dans les meilleurs conditions d’exercer leur noble mission qui accomplissent au nom du peuple de Guinée.
Il en sera de même pour que la même Justice en tant qu’institution la plus proche des citoyens et les populations bénéficiaires en général, afin qu’à terme la confiance soit établie entre elle et le peuple.
Ces trois volets des actions constitueront la marque que je souhaite indélébile au Ministère de la Justice.
C’est sur cette note d’espoir que je vous remercie distingués invités d’avoir honorer de votre présence cette cérémonie d’installation du Ministre intérimaire que je suis.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Transmis par la Cellule de Communication du Gouvernement