« Article 29 alinéa 1er: Quiconque émet une injure, une expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait par le biais d’un système informatique, sera puni d’un emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et d’une amende de 40.000.000 à 120.000.000 Francs Guinéens “

Article 31 : La production, la diffusion, la mise à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit et sera puni par la loi.

Article 32 : Quiconque produit , diffuse ou met à la disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit et sera puni d’un emprisonnement de six (6) mois à cinq (5) ans et d’une amende de 20.000.000 à 300.000.000 Francs Guinéens “

Voilà les textes qui servent depuis un certain temps de base aux poursuites relatives au délit de presse. Ce qui va constituer un recul.

Dans le dossier Ministère Public contre Fodé Baldé et Mohamed Bangoura, ce sont ces textes qui sont visés par le Parquet de Kaloum. De même que dans l’affaire Ministère Public contre Souleymane Diallo et autres.

C’est la notion de “système informatique” qui semble être prise en compte pour écarter l’application de la loi 002/CNT/2010 en cas de commission d’infractions habituellement considérées comme “délits de presse”. Ainsi, il n’y a plus que la presse papier qui peut échapper à la loi relative à la cyber-sécurité. Et même à ce niveau, ce n’est pas très certain.

Or, les infractions visées par la loi 002/CNT/2010, si elles sont commises par l’un des moyens indiqués à l’article 98, constituent des infractions commises par voie de presse: les délits de presse. Ces moyens sont:

– Les discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics.

– Les écrits, imprimés, dessins, gravures, graffitis, peintures, caricatures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image, vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics

– Tout autre moyen de communication audiovisuelle, en ligne…

À préciser que le service de presse en ligne concerne aussi bien les sites web, les blogs que les sites de réseaux sociaux. ( voir les dispositions de les articles 42 et 98 de la loi 002/CNT/ 2010)

En matière d’infractions commises par voie de presse, ce n’est pas la qualité de l’auteur de l’infraction que le législateur prend en compte mais le ou les moyens par lesquels l’infraction a été commise et qui sont ci-dessus énumérés. Ainsi, même si l’auteur de l’infraction n’est pas un journaliste, il est poursuivi sur la base de la loi sur la liberté de la presse dès lorsque le moyen par lequel l’infraction a été réalisée figure parmi les moyens indiqués par cette loi.

Il faut donc se détromper : la loi sur la liberté de la presse n’intéresse pas seulement les journalistes. Tous les citoyens ont donc le devoir de la défendre tant qu’elle est en vigueur ».

Ces propos de l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée ont provoqué une avalanche de réactions. C’est le cas de Barak Tall qui dit : « Maître Traoré, pourquoi vous les avocats vous acceptez de s’arrêter devant un juge alors que la loi évoquée pour l’infraction ne correspond pas ? Je pense qu’il serait inutile chaque fois de rappeler le procureur voilà ce n’est pas cette loi. Vous pouvez même empêcher la tenue d’un procès à travers une grande mobilisation de dénonciation ».

Ou Thierno Amadou Bah  qui rappelle que : « Cette lois là est passée à l’Assemblée. On n’a vu aucun député faire de sorties pour la dénoncer. Si non, je ne dis pas que l’opposition pouvait la bloquer, étant minoritaire, mais elle pouvait informer correctement l’opinion publique sur ce qui se passait. Mais là, le truc est voté par les “représentants du peuple” et on veut l’empêcher d’être utilisé à dessein… »

Ou encore  Djene Saran Mady qui indique par contre que : « La loi est dure mais c’est la loi. Les individus se servent désormais des NTIC pour commettre les forfaitures.

Nul ne peut contester que la cybercriminalité est devenue un fléau, une menace pour la paix, la sécurité et l’ordre public. …

Nul ne peut contester que la cybercriminalité est devenue un fléau, une menace pour la paix, la sécurité et l’ordre public.

 Malheureusement, je constate que les professionnels de droit et autres acteurs de la justice en Guinée ont des connaissances très limitées en droit du Cyberespace africain. Je conseille vivement l’intégration de cette discipline dans nos cursus universitaires, notamment dans les facultés de droit. »

Transcrits par Heinan Condé